Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

samedi 9 décembre 2023

Les Marches du Trône : le Gouverneur Cosgo

Il est difficile de définir le principal antagoniste des Aventuriers de la Mer. On pourrait logiquement mettre en avant Kyle Havre qui tourmente les membres de la famille Vestrit dont ses enfants, ou encore Kennit le pirate aux motifs apparemment nobles (mettre fin à l’esclavage) mais qui est en réalité manipulateur, cruel et égoïste. On pourrait également accuser les gens de Chalcède, les serpents. Mais, un autre personnage brille par sa méchanceté gratuite, son comportement arrogant : le Gouverneur. Lorsqu’on le découvre, lors du bal à Terrilville, puis lors de son périple avec Malta et Keki, on rencontre un homme qui ne pense qu’à ses désirs et à son plaisir, bien peu tourné vers une gouvernance juste de l’empire de Jamaillia. Pire, pour renforcer son emprise sur Terrilville, il est prêt à conclure une alliance avec Chalcède. Sa faiblesse physique et de caractère est assez claire : il est incapable de ramer, il dépend de Malta pour survivre sur les différents navires qui l’accueillent.


Quand tout se met en place pour la conclusion finale (le retour du dragon Tintaglia, les ambitions de Kennit de construire son propre empire, les envies d’indépendance de Terrilville), la simple question de la propre survie du Gouverneur se pose. Malgré son titre, il semble être un pion dont d’autres se servent.

On peut, bien entendu, trouver des excuses à l’attitude de Cosgo. On peut le dire manipulé, on peut le dire trop jeune pour gouverner. Son éducation semble avoir été douteuse. Si son père semblait réellement l’aimer, il ne l’a pas préparé aux défis qui l’attendaient, il l’a trop couvert. Cosgo donne un exemple éclairant en se penchant sur son passé : « à l’âge de huit ans, j’ai fait sensation en participant aux Courses d’Eté. J’ai couru avec d’autres garçons et de jeunes gens de Jamaillia. Je n’ai pas gagné. Mais mon père m’a tout de même complimenté. Moi, j’étais anéanti. Vous comprenez, j’ignorais que je pouvais perdre ». Cosgo semble avoir eu tout ce qu’il voulait quand il le voulait. Il n’a jamais goûté à la frustration ou à la défaite. C’est normal puisqu’il est la personne la plus puissante, politiquement parlant ; tout le monde veut le contenter pour profiter de son influence. Dès lors, il n’est pas étonnant de le voir emprunter une voie de plaisir et de débauche. Son adolescence a été une découverte des « plaisirs des hommes ». Il en a profité (« vins fins, herbes à fumer sournoisement mélangées, femmes expertes. Voilà ce que m’offraient mes nobles et les dignitaires étrangers, et j’ai tout essayé »).


Malta accompagne le Gouverneur depuis que Tintaglia a refait surface. Avec elle, le Gouverneur a arpenté le fleuve du désert des Pluies puis rejoint un équipage de Chalcède. Il n’a pas changé d’attitude, considérant que tout lui est dû. Il a laissé Keki mourir et offert Sérille aux viols des Chalcèdiens. Il a été un personnage infect. Dans les Marches du Trône, il ne lui reste que Malta. C’est la seule femme qui lui reste, la seule avec qui il peut espérer avoir des relations intimes, même si elle se refuse à lui. Cosgo ne peut même pas s’occuper de lui-même, de sa toilette. Il compte sur Malta pour ça et en profite pour avoir une attitude inconvenante. Il lui touche la poitrine et les fesses ; « pour le Gouverneur, elle représentait une consolation physique dans sa captivité, comme un petit enfant se console avec une sucrerie (…) elle se sentait salie et harassée par (…) le pelotage sournois ». Si Cosgo se comporte comme ça, c’est parce que, hormis Sérille, aucune femme ne s’est refusée à lui. La Compagne Keki, elle aussi touchée par les plaisirs de la drogue et de la boisson,  a participé au dévoiement du statut de compagne. Elle s’offrait au Gouverneur au lieu de lui donner des conseils sur la gestion de Jamaillia. Cosgo regrette Keki qui « savait me réchauffer » et « savait m’émouvoir comme aucune autre ». Mais, quand Keki est tombée malade, il n’a rien fait pour l’aider. La Compagne est morte après avoir donné des conseils qui ont transformé Malta.


Le Gouverneur s’attache donc à Malta. Vu de de l’extérieur, ils forment un couple particulier : le Gouverneur est comme un petit enfant incapable dont Malta aurait la charge. Malta n’éprouve aucune attirance pour lui.

Mais, cela n’empêche pas Reyn de croire le contraire. L’homme au visage marqué est amoureux de Malta et voit dans le Gouverneur un concurrent. Il doute même puisque Cosgo est d’un rang bien supérieur au sien. Il a peur d’être relégué au second plan : « il y avait de la tendresse dans tous ses gestes. Il ne pouvait le lui reprocher. Le Gouverneur avec son teint pâle, aristocratique, son maintien altier était un parti bien plus convenable pour Malta Vestrit qu’un pauvre diable couvert d’écailles du désert des Pluies ».

Avec les jours qui passent, Reyn finit par se rendre compte que sa jalousie est infondée. Il finit par voir que le Gouverneur est un être pathétique, sans réel pouvoir et qui se laisse porter par les autres et les événements. Ce jugement peut paraître dur mais il semble juste. Or, Cosgo n’a pas conscience de l’image qu’il dégage (« le Gouverneur s’accrochait à elle comme si elle était son point d’ancrage, tout en niant qu’il dépendait d’elle. L’étonnant, pour Reyn, c’était que cet homme homme ne perçoive pas l’accent de fausseté dans la douceur de Malta à son égard. »).


Lorsque Malta refuse ses avances, lorsqu’il se rend compte que Malta cherche à le manipuler pour atteindre ses propres buts, le Gouverneur se comporte comme un enfant capricieux. Il accuse gratuitement, il emploie des paroles blessantes contre elle : « qu’attendre d’autre de la part d’une fille de Marchand ? Votre vie, c’est acheter et vendre. Sans doute que votre grand-mère et votre mère ont vu votre brève beauté comme un objet de troc ». Il se contente pas de remettre en cause Malta, il la dénigre également. Il la réduit à un objet quelconque qu’on échange contre une faveur.

Un autre tort de Cosgo est d’avoir laissé se développer l’esclavage. A ce sujet, il n’est pas le seul en tort puisque la pratique de vendre des humains a bien arrangé les gens de Terrilville. Elle leur a permis d’avoir une main d’oeuvre peu-chère. Il ne faut pas non plus oublier que les gens de Terrilville avaient une attitude hypocrite sur l’esclavage, en le condamnant en public, mais en laissant les travailleurs sous contrat (des esclaves) proliférer dans leurs industries. Bon nombre ont été atteints, comme Sorcor le second de Kennit (« Sorcor et sa famille avaient grandement souffert aux mains des percepteurs d’impôts du Gouverneur et de leurs maîtres durant leur esclavage »).


Dans les Marches du Trône, Cosgo finit par reconquérir le pouvoir et chassé les nobles qui avaient intrigué contre lui. D’une certaine façon, il ne paie pas pour tous les méfaits qu’il a commis ; bien au contraire. Ses opposants sont défaits puis tués.

Juste avant de mourir, le conseiller Criath tente de justifier ses actes. Il accuse Cosgo d’avoir été incompétent, d’avoir été un piètre dirigeant. Les mots sont accusateurs : « vous avez pillé le trône, vous avez laissé la ville tomber en ruines. Que pouvions-nous faire sinon vous tuer ? Vous n’avez jamais été un véritable Gouverneur »).

Malheureusement, Cosgo n’est plus le gamin faible, il est devenu un jeune homme méchant et revanchard. Il le leur dit clairement : « le temps passé dans le vaste monde, parmi de vrais hommes, m’a beaucoup éclairé. Je ne suis plus le gamin que vous avez manipulé, mes seigneurs ». Il en profite donc pour glisser une petite pique contre des nobles qui sont moins que des hommes et qui ont cru pouvoir se jouer de lui. Il ne rêve pas seulement de vengeance, il la met en oeuvre. Cela effraie presque ceux qui le fréquentent (« il marmonnait des noms, manifestement pour les imprimer dans sa mémoire à fin de représailles sur les familles. Reyn échangea un regard incrédule avec Malta. Ce gamin féroce, sans pitié, était-il vraiment le Grand Seigneur Magnadon, Gouverneur de Jamaillia ? »).


Les choses tournent bien pour le Gouverneur : les nobles ennemis sont donnés au serpent et Kennit meurt. Kennit représentait un adversaire redoutable tant il était charismatique et légitime. Il était un adversaire potentiel important pour l’empire de Jamaillia. Cosgo parvient à s’approprier la mort de Kennit (« le bon Kennit s’est fait tuer pour moi. Désormais, c’est un nom dont on honore le souvenir. Le roi Kennit des Iles des Pirates »). Il est donc suffisamment intelligent pour valoriser Kennit. Dégrader sa mort aurait été un geste inconsidéré, une bêtise sans nom.

Kennit mort, les Iles des Pirates ont quand même un roi, en particulier une reine : Etta. Cette dernière gouverne les îles. Elle est donc, sur le papier, un souverain comme Cosgo. Mais, quand Cosgo donne un ban en son honneur, en honneur de Malta et de Reyn, il fait un caprice en refusant de reconnaître pleinement son statut : « le Gouverneur Cosgo avait admis de mauvaise grâce que la reine Etta, en sa qualité de souveraine d’un royaume indépendant, était à la rigueur d’une stature égale à la sienne ».

Sa dernière vengeance est adressée contre Sérille, son ancienne Compagne, celle qui l’a défié en refusant de coucher avec lui. Malgré tout ce qui s’est passé, il ne l’a pas oubliée. Il retire à Sérille tous ses privilèges et lui interdit de revenir à Jamaillia. Sérille témoigne auprès de Ronica Vestrit que Cosgo « m’a exilée ici » et « il soutient que j’ai manqué à mes voeux, et que je suis peut-être impliquée dans la conspiration ». Sérille confirme alors que Cosgo n’est pas du genre assumer ses erreurs : « je connais Cosgo. Il doit y avoir un coupable ».


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