Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses.

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Kennit, maître de son destin ?

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jeudi 5 août 2021

La chute de Molly

Après son départ dans la Nef du crépuscule, Molly est rarement vue. On sait ce qu’elle devient uniquement grâce aux rêves d’Art de Fitz. Ce dernier la voit se mettre en couple avec Burrich, donner naissance à sa fille (Ortie) puis fonder une famille avec de nombreux enfants. Après la mort de Burrich, Molly fait une apparition au château de Castelcerf où elle tombe sur Fitz. Prudemment, lentement, Fitz la séduit : les deux finissent par se marier.

Quand s’ouvre la trilogie du Fou et de l’assassin, le couple vit à Flétribois. Les années ont passé puisque Fitz a désormais quarante-quatre ans. Dès les premières pages du roman, on se rend compte que Molly a changé physiquement et qu’elle en a conscience. Certes, Fitz la dévore toujours des yeux et continue à faire battre le cœur du bâtard toujours un peu plus vite. Certes, sa première remarque peut être vue légèrement, presque comme une plaisanterie (« Me traiteriez-vous de vieille, messire ? Car il me semble me rappeler que j’ai trois ans de plus que vous »). D’ailleurs, suite à ça, elle prend plaisir à voir Fitz tenter de la mettre dans le lit conjugal. Mais, la réalité la rattrape très vite. C’est soir de fête à Flétribois. L’atmosphère est joviale, les gens dansent, mangent, boivent et discutent. Malheureusement, Molly fait un malaise, elle est sans forces : « je ne sais pas pourquoi je suis exténuée à ce point, fit-elle d’un ton plaintif, je n’ai pourtant pas bu tant que ça. Et j’ai gâché la soirée ». On pense que c’est une accumulation de facteurs : l’âge, un peu trop de boisson et une journée chargée. La suite de l’histoire montrera que c’est autre chose.

Au-delà de la question physique, Molly a toujours eu du ressentiment envers la famille de Fitz et surtout ses devoirs. Dès qu’elle a appris qui il était réellement, un bâtard Loinvoyant, elle a compris que tout amour entre eux était presque impossible. Il y aurait toujours la volonté royale pour les séparer, des missions à mener. C’est d’ailleurs une des raisons qui a mené à son départ : il n’y avait pas d’avenir pour eux deux. Fitz était en plus incapable de choisir, tiraillé par sa loyauté pour sa famille. Presque trois décennies plus tard, on aurait pu croire que Molly finisse par accepter tout cela. C’est loin d’être le cas car chaque départ de Fitz est vu comme une déchirure (« je hais les jours où tu dois me quitter. Je hais ces devoirs qui te retiennent encore, et je les hais de toujours nous séparer »). C’est d’autant plus problématique que Fitz étant Fitz, il a la culture du secret. Quand il était jeune, il a fallu que le chaos soit aux portes du château pour qu’il révèle à Molly ses véritables fonctions ! Et il a fallu que Molly tombe par hasard sur lui pour qu’elle découvre sa réelle identité. Rien n’a changé : « tout va bien entre nous jusqu’au moment où ton ascendance Loinvoyant vient s’interposer, et alors tu retrouves tes habitudes de secret et de duplicité qui nous ont détruits jadis ». C’est une terrible phrase que Molly prononce, elle montre qu’elle a l’impression d’être au second rang, que Fitz ne lui fait pas assez confiance.

Molly éprouve de la jalousie envers Kettricken (« Est-ce la reine que tu redoutes ? (…) N’essaie pas de détourner la conversation. Tu sais très bien de quelle reine je parle » et « la reine des Montagnes n’a jamais pour nous un hôte difficile, du moins en ce sens »). On peut penser que tout cela trouve racine le jour où Fitz et Molly se sont séparés. Molly enceinte a pris en pleine face la remarque de Fitz lui disant qu’il ne pouvait abandonner Kettricken et son bébé à naître ? Et elle alors ? Elle a sans doute fini par se dire que Fitz tenait plus à Kettricken qu’à elle. Elle a l’impression de passer après tout le monde.

Longtemps, Molly a cru Fitz mort (« Quand j’avais l’âge d’Ortie, j’étais déjà mère de trois enfants et j’attendais le quatrième. Et toi tu étais... »). Elle a vécu sans lui, pleurant qu’il ne se soit pas précipité pour la rejoindre. Le croyant mort, elle a cherché et trouvé un autre amour : Burrich. Sans doute regrette-t-elle toutes ces années loin de Fitz ; mais peut-elle oublier ce qu’elle a vécu avec Burrich ? Difficile de savoir.

Un autre fossé entre les deux est celui de l’âge. Fitz se maintient en forme, se guérit grâce à l’Art (et parfois il est soigné involontairement). Molly refuse d’employer la magie. Elle tient à conserver ses marques, ses douleurs. Lorsqu’il se rend au marché de Chênes-les-Eaux, Fitz se fait draguer par une jeune femme qui est vexée quand il lui dit qu’il est déjà marié. Sa réponse est cinglante et méchante : « votre épouse ? Ou vouliez-vous dire votre mère ? »

Molly finit par arriver à mettre un mot sur ce qui la fatigue : elle est enceinte. Elle est persuadée que c’est ça, malgré son âge et le refus de croire des gens qui l’entourent. Quand elle l’annonce à Fitz, ce dernier est choqué et sa tendance au mélodrame prend le dessus. Il imagine tout de suite le pire (« nous riions de ces petites défaillances, mais cette fois il n’y avait rien drôle à la voir perdre la tête »). Il transmet son inquiétude et ses doutes à sa fille, Ortie : « tu m’en avais parlé, mais c’est encore pire à voir en réalité. C’est vrai ; nous sommes en train de la perdre ». Ils tentent de faire preuve de discrétion pour ne pas faire manifester leur malaire ou ils sous-estiment les capacités de perception de Molly. La chandelière a beau répéter qu’elle est enceinte, ils ne la croient pas et ça finit par la mettre en colère. Elle peste que « vous me croyez folle tous les deux. Très bien, mais je vous affirme que je sens le petit bouger dans mon ventre et que mes seins commencent à se gonfler de lait. »

Contre toute attente, Molly est réellement enceinte. La femme a donc vécu un calvaire entre les doutes de son mari et de sa fille, leur condescendance et même le mépris gens censés la servir (« c’est dur pour moi quand tu t’en vas plusieurs jours, parce que je sais que les femmes de chambre rient de moi dans mon dos »).

Abeille naît donc. C’est un petit enfant différent. Molly et Fitz l’aiment tout de suite alors que les autres ne voient que sa petite taille, sa disproportion. Ortie a beau essayé, elle ne parvient qu’à montrer que de la peine, de la miséricorde. Tout en elle transpire la compassion et donc, pour Molly, le fait de devoir s’attendre à une mauvaise nouvelle (« les yeux d’Ortie allaient de sa mère au nourrisson, et j’y lisais de la pitié ; pitié pour nous tous, car selon elle Abeille mourrait bientôt ou vivrait l’existence d’une créature mal formée »). Présentée au monde, l’apparence d’Abeille suscite des rumeurs, des questions des doutes. Dame Réconfort en est un bon exemple car dans ses paroles s’expriment « une question sous-entendue : l’enfant était-il de Molly ? »

Mais, Abeille grandit et s’attache à sa mère. Les deux sont si inséparables que Fitz a du mal à trouver sa place. Abeille est là quand le cœur de Molly cesse de battre. Elle est témoin de sa crise cardiaque. Sa mère morte, elle voit Fitz arriver en courant, la douleur avec lui : « il nous prit tous les deux dans ses bras, nous étreignit, leva la tête et hurla, la bouche démesurément ouverte, le visage vers le ciel et les muscles saillant au cou ». La mort de Molly laisse un grand vide que Fitz ne pourra jamais remplacer. Sa disparition est équivalente à celle d’Oeil-de-Nuit.

2 commentaires:

  1. Blog très intéressant ! J'ai pas encore fini de lire tous les tomes de l'Assassin Royal alors j'évite de me spoiler mais quand j'aurai tout fini je lirais ce que tu as écrit avec grand plaisir.

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