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dimanche 19 décembre 2021

Thymara et les gardiens en route vers Kelsingra

Les Marchands ne sont pas contents. Les dragons nouvellement nés sont là et ne font rien, ils ne font que consommer des ressources déjà rares. Même Tintaglia s’est désintéressée d’eux, ces créatures mal formées et pathétiques en apparences. Car les dragons ne sont pas aussi majestueux que Tintaglia, ils se traînent au sol, il faut qu’ils soient nourris. Les Marchands profitent donc d’une opportunité et organisent une expédition vers la mythique Kelsingra. Il faut alors trouver des personnes (gardiens) pour accompagner les dragons, ils les recrutent parmi les catégories les plus rejetées de la société : des esclaves et les marqués par la malédiction du du désert des Pluies. Ils sont accompagnés de quelques chasseurs, de l’équipage d’une vivenef et de deux nobles de Terrilville (Sédric et Alise). Les différents groupes ne se connaissent pas, Thymara (une jeune femme avec des écailles et des griffes) voit là une possibilité de quitter un monde qui ne peut rien lui apporter de bon. Mais, Thymara a eu très peu de contact avec les gens de son âge, et en particulier les jeunes hommes. Elle n’a jamais envisagé la possibilité d’en marier un et donc n’a jamais cherché à les fréquenter. Elle n’a donc pas tous les codes pour cerner la dynamique d’un groupe et des comportements des gens de son âge. Dès lors, il n’est pas étonnant de la voir sans voix devant les pratiques, gamines, de certains des gardiens (« Thymara découvrit peu à peu une facette des garçons de cet âge qu’elle ne connaissait pas : ils avaient toujours une espièglerie ou une farce stupide en cours. A l’instant même, Alum aux yeux argent et Nortel le basané se roulaient par terre de rire parce que Houarkenn avait lâché un pet sonore »).

Enthousiaste, Thymara fait preuve de naïveté. C’est Graffe, un des plus âgés du groupe (vingt-cinq ans) qui la prévient et lui rappelle la réalité. Elle est sous l’effet de la découverte, de la première aventure, elle ne voit que le bon côté des choses sans anticiper les difficultés de la vie en groupe de gens qui ne savent pas qui sont les uns les autres : « c’est la lune de miel (…) tu pars avec un groupe de collègues, et au bout de trois jours, ce sont tous tes copains. Après trois jours, ça commence à devenir tendu, et, la semaine passée le groupe se décompose lentement ».

Leftrin, le capitaine de la vivenef Mataf est un bon observateur de ce qui se passe. Il accompagne le groupe donc il est avec eux tout en gardant une distance. Il repère très vite que ce ne sont que des adolescents et qu’ils vont être empêtrés dans des luttes de séduction et de domination. L’activité physique sculpte le corps des garçons et des filles et s’ajoute aux changements naturels de leurs corps ; Leftrin remarque que « le voyage n’avait pas commencé depuis longtemps mais le maniement quotidien de la pagaie augmentait leur musculature. Les filles faisaient moins de bruit et de tapage autour des changements qu’elles subissaient, mais les signes étaient néanmoins visibles chez elles aussi. Les garçons se disputaient leur attention et parfois les rivalités prenaient des formes brutales ». Il n’y a pas que la séduction qui est à l’œuvre. Les gardiens forment un groupe et il faut un leader. Graffe se sent légitime à occuper cette place, il le montre et agit pour y arriver (« Il voulait établir ses propres règles, et il avait déjà commencé. Thymara était un peu étonnée de la facilité avec laquelle il avait pris la tête de leur groupe : il lui avait suffi de se comporter comme s’il était le chef »). Un bon chef a besoin d’une compagne, Graffe s’emploie à la trouver. Il observe les filles du groupe (« c’est à cause de sa façon de nous observer, comme s’il nous jaugeait. Elle avait même constaté ce phénomène la première fois qu’il avait posé ses yeux sur Sylve ; il l’avait manifestement rejetée comme trop jeune »). Graffe se tourne alors vers Thymara et déploie tout son charme pour l’attirer. Il se dit qu’il parviendra à la séduire en lui parlant franchement de ses objectifs, de ses rêves et de ce qu’il voudrait accomplir à Kelsingra. Malheureusement pour lui, Thymara n’est pas réceptive : « en moins de deux jours, le léger béguin qu’elle éprouvait pour lui, alimenté par ses attentions envers elle, s’était mué en aversion profonde. Elle savait qu’il manipulait la situation, mais elle n’arrivait pas à se dépêtrer de ses ficelles ». Car, Graffe est sans cesse présent auprès d’elle. Il la presse, il l’harcèle presque avec sa conception des choses ; Graffe remet également en cause la relation entre Thymara et Tatou, montrant du doigt que Tatou n’est qu’un fils d’esclave et est donc tout en bas de la société. Cela permet d’ailleurs de voir que même dans monde si hostile, même dans ce petit groupe, les préjugés perdurent. Tout cela est d’autant plus clair lorsqu’on lit les propos de Graffe (« Tu ne pourras pas toujours perdre ton temps avec des demeurés et des étrangers ; tu ne peux pas te permettre de traîner des poids morts si tu veux accéder à ton avenir. Ce que je te dis t’agace, je le sais »). Fortement marqué par la malédiction du désert des Pluies, Graffe vit enfin sa vie au grand jour. Il a des gestes entreprenants envers Thymara, lui effleure la cuisse. Pour Thymara, c’est une expérience inconnue qui procure, en elle et sur elle, des sensations inédites (« Thymara fut dégoûtée par sa propre réaction, par la façon dont son ventre se serra et dont un frisson lui parcourut le dos. Un homme plus âgé qu’elle et séduisant venait de lui dire qu’il avait envie d’elle. Un homme, pas un garçon, un homme énergique qui tenait le rôle de chef parmi les gardiens »). Trompée par ses sens et ses envies, Thymara est ramenée à la réalité par Sylve. Cette dernière la prévient que Graffe « peut avoir l’air adorable, mais il y a de la méchanceté en lui. A l’entendre, on a l’impression qu’il veut le bien de tous par le changement, mais à d’autres moments, on voit bien sa part de malveillance . La jeune Sylve (douze ans) aura bien jugé Graffe car ce dernier tentera plus tard de voler le sang d’un dragon pour tenter de se guérir.

Le voyage vers Kelsingra est l’occasion pour Thymara de connaître ses premiers émois sexuels. Dans un premier temps, elle se contente d’observer, parfois sans comprendre ce qui se passe. Quand elle voit Graffe et Jerd coucher ensemble, elle ne saisit pas tout de suite ce qui se passe : « ils n’étaient pas en train de chasser ; ils n’avaient même pas dû chasser du tout. Il lui fallut un long moment pour comprendre ce que ses yeux lui montraient. Ils étaient nus et allongés l’un à côté de l’autre sur une couverture ». Elle continue de regarder ce qui se passe et cela l’excite quelque peu (« quand Jerd se redressa le dos arqué, et que Graffe déposa de longs baisers sur ses seins, le corps de Thymara réagit d’une façon qui la sidéra et l’embarrassa (…) Soudain, ses yeux s’agrandirent, et son regard se fixa sur Thymara derrière Gaffe. Elle poussa un cri perçant et saisit d’un geste futile ses vêtements jetés à terre »). Les deux amants voient donc Thymara les observer et la rumeur va vite se répandre dans le groupe, laissant croire à tous les hommes qu’elle est disponible.

Rejetés dans leur société, les gardiens ont parfois des objectifs différents mais se rejoignent sur l’un d’entre eux : se créer un destin, une vie. Sylve dit que « nous nous établirons là où les dragons décideront de s’installer ; ainsi, nous aurons un nouveau foyer, et de nouvelles règles ». Graffe affirme exactement la même chose (même s’il a des intentions cachées) : « pour moi, cette expédition m’offre la chance de me débarrasser de ces anciennes règles et de m’installer là où je pourrai inventer les miennes ». Certains sont plus sceptiques, pas sur la possibilité de s’affranchir de règles pesantes, mais du comportement pour y arriver. Jerd, une gardienne, pense que Graffe fait presque preuve d’un excès de candeur, qu’il rêve de son rêve au lieu de le mettre réellement en place : « j’aime bien ta façon de penser, en général, tes discours sur de nouvelles règles pour une nouvelle existence, mais parfois j’ai l’impression d’entendre un petit garçon qui joue avec ses jouets en bois et s’invente un royaume ».

Il faut préciser un fait important. Le groupe a une certaine liberté sexuelle, c’est-à-dire que les gardiens ont des aventures les uns avec les autres. Des couples se forment, d’autres se séduisent, d’autres ne font que coucher ensemble. Ils peuvent enfin ce qui leur était interdit auparavant. Mais, pour les femmes, il y a la peur de tomber enceinte et de mettre au monde, comme bien souvent dans ce monde sans pitié, un bébé mort. C’est ainsi ce que dit Thymara (« Graffe ne court aucun risque à changer les règles ; ce n’est pas lui qui va supporter les contractions en pleine jungle, sans sage-femme ; ce n’est pas lui qui devra se débrouiller avec un nourrisson incapable de survivre »). Et ce qui devait arriver arriva lorsque Jerd met au monde un enfant mort («  Sylve tendit à nouveau les bras, et aussi délicatement qu’elle le put, fit glisser l’enfant dans la gueule de la dragonne »).

Un triangle amoureux et de jalousie est constitué de Thymara, Tatou et Graffe. Graffe et Tatou ont des vues sur Thymara, mais elle n’est pas attirée par l’un et voit en l’autre uniquement un ami. Dans tous les cas, elle veut prendre son temps et être celle qui choisit. Les deux jeunes la pressent ; c’est par exemple Graffe qui vient la voir afin de la mettre au pied du mur. Il l’enjoint de s’exprimer, de divulguer à tous qui sera son compagnon : « Si tu as choisi Tatou, très bien, tu l’as choisi ; annonce ton choix à tout le monde et il n’y aura pas de problème, j’y veillerai. Ce n’est pas Tatou que j’aurais désigné pour toi, mais, même ici et maintenant où règnent de nouvelles règles, je respecte certaines de nos plus anciennes traditions ». Or, Thymara ne sait pas, elle n’a pas réellement choisi Tatou, c’est simplement leur amitié qui a évolué dans ce sens. Tout n’a pas été si simple d’ailleurs puisque Thymara se sent trahie quand Tatou a une aventure avec Jerd (« La révélation la réduisit soudain au silence : Tatou étendait ses couvertures près de celles de Jerd, s’asseyant à côté d’elle pendant les repas du soir… comment avait-elle pu rester à ce point aveugle ? La jalousie l’envahit, mais avant que sa brûlure put attendre son cœur, un sentiment glacial l’éteignit. Mais quelle idiote ! ») Malgré cela, elle se rapproche de Tatou. Les deux se séduisent, s’embrassent et Tatou voudrait bien aller plus loin (« C’est tout ? Ou bien tu m’allumais ?) Les paroles sont dures et régulièrement entendues par Thymara. Elle lui répète une nouvelle fois qu’elle n’est pas prête (« Non, Tatou ; c’est toujours non).

Enfin, il faut parler du lien entre Thymara et Kanaï. Ce dernier est un jeune homme optimiste qui partage avec Thymara le rêve de voler à dos de dragon. Ils s’entendent bien et ont donc une certaine complicité, en tout cas selon Kanaï (« à mon avis, ce serait plus amusant avec quelqu’un comme toi, Thymara ; toi au moins tu comprends la plaisanterie. Regarde-nous, on s’entend bien, et tu ne prends pas la mouche parce que j’ai le sens de l’humour »). Après différents incidents, tout le monde croit Kanaï mort, ce qui n’empêche pas Tatou d’être jaloux. Thymara est obligée de mettre les points sur les i, de lui rappeler que deux gens peuvent se fréquenter sans avoir de visées amoureuses ou sexuelles (bien que Kanaï ait des envies) : « je l’aimais beaucoup ; mais je ne me suis jamais vue amoureuse de lui, et je ne pense pas qu’il m’ait jamais considérée de cette façon non plus (…) C’était seulement un ami étrange qui voyait toujours le bon côté des choses et qui était toujours de bonne humeur ».

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