Quand les hommes abandonneront la grâce pour l’or,
Quand deux grandes puissances se mêleront en une seule,
Les temples s’effondreront,
Le sombre empire s’étendra,
Et le monde ne sera plus que ruine et désolation.
Viendra alors un homme sans père ni amante,
Mais promis à une autre,
Qui sauvera la terre de sa malédiction.
(La prophétie de Marod)
A Rorne, l’archevêque Tavalisc est ambitieux et influent. Il fait la pluie et le beau temps dans cette ville, tout en faisant en sorte qu’elle reste indépendante et à l’abri de l’appétit des Etats du Nord (les Quatre Royaumes menés par Baralis).
Tavalisc est décrit comme un homme aimant la bonne chère, il aime manger. Il apprécie aussi faire tourner en bourrique son assistant, Gamil. Il renvoie une image paresseuse, presque indolente. Mais, il serait injuste de le réduire à cela car il se révèle calculateur et attentif à tout ce qui se passe (« personne n’y avait prêté attention, à l’exception de Tavalisc ; il lui paraissait prudent de garder un oeil sur les agissements des guérisseurs »). L’homme est donc prudent, particulièrement quand il s’agit de garder à l’oeil des individus ou des événements qui pourraient remettre en cause ses richesses et possessions.
On en a un autre exemple avec Mégane, une jeune femme qui passe du bon temps avec Taol à Rorne. Taol est un chevalier que Tavalisc a gardé prisonnier puis libéré. S’il a fait ça, c’est pour brusquer un peu les choses. En ce qui concerne Mégane, il a l’intuition qu’il pourra s’en servir pour faire pression sur Taol : « j’ai l’intention de garder cette fille aussi longtemps que nécessaire : des mois, des années, qui sait ? Un jour viendra où elle nous sera utile ». Clairement, Tavalisc ne néglige pas le long terme : ses plans peuvent être à longue échelle.
Son principal opposant ou ennemi est Baralis. Bien que les deux soient séparés par de longues distances, Tavalisc observe attentivement ce que l’autre fait. Il assiste à ses manigances, aux complots et autres joyeusetés menées par Baralis. Il finit par comprendre ses motivations, à savoir que « Baralis était en train d’accomplir la prophétie ! Ce démon essayait de bâtir un gigantesque empire nordique ».
La prophétie dit alors que ce ne sera que malheur, pauvreté, et qu’un individu pourrait se dresser pour empêcher cela. En apprenant cela, Tavalisc est terrifié. C’est une réaction intéressante car c’est la première fois où on le voit perdre de sa superbe (« Il était glacé jusqu’aux os »). C’est presque comme s’il comprend qu’il avait preuve de négligence, qu’il avait sous-estimé son adversaire (« il s’était toujours méfié de Baralis, mais tout cela prenait des proportions inimaginables. Il n’était dit nulle part dans la prophétie que le sombre empire serait purement nordique »). Tavalisc est donc dépassé.
Il est d’autant plus inquiet que la réalisation de la prophétie équivaudrait à la perte de toute sa richesse, de son influence, de son pouvoir. Il a beau cacher cela derrière des aspects patriotiques (« Rorne ne deviendrait pas la laquais de quelque empire nordique »), on saisit vite que l’homme ne pense qu’à lui.
Car, étant un homme d’Eglise, ayant basé sa richesse sur l’extorsion du peuple et des puissants, Tavalisc craint cette prophétie qui dit que « les temples s’effondreront ». Tavalisc n’a alors pas d’autre choix que s’opposer à ceux qui concourent à la réalisation de cette prophétie, comme Baralis mais aussi les chevaliers. Il décide donc de las chasser de Rorne mais aussi de toutes les villes où son poids compte. Il a trop peur (« les chevaliers n’auraient de rien de plus pressé que de détruire l’Eglise telle qu’elle existait et d’instituer nouveaux guides de la foi. Et où cela le conduirait-il ? Dans la rue, sans pouvoir »). Il n’y a donc là rien d’altruiste ou de désintéressé. Tavalisc joue lors un jeu qui l’anime et lui procure de douces sensations, presque aussi plaisantes que la nourriture ou taquiner son assistant Gamil. Son plaisir est manifeste : « une insulte par-ci, quelques têtes de bétail massacrées par-là, et avant même de s’en apercevoir, tout le monde s’aligne de part et d’autre, prêt à en découdre . C’est très excitant ». Il est donc prêt à faire ce qu’il faut pour éviter que deux puissances s’allient comme le souligne la prophétie de Marod.
Mieux, il finit par se convaincre qu’il est l’élu qui mettra fin à l’âge des ténèbres. Il interprète les vers de façon à ce qu’il convienne à sa vie (« « Viendra alors un homme sans père ni amante. » Je n’ai pas de père, et ma position m’interdit d’avoir des femmes (…) Il est évident d’après la prophétie de Marod qu’il est de mon devoir sacré de mettre un terme »).
Cette interprétation des choses est une spécialité pour lui. Quand, au final, Taol empêche, avec d’autres, la réalisation de la prophétie et des âges sombres, Tavalisc se tresse des lauriers. Il va même jusqu’à dire que le garder prisonnier a été une bénédiction (« j’ai rempli mon devoir auprès du chevalier : je l’ai protégé dans mes cachots pendant un, j’ai suivi ses moindres faits et gestes, j’ai même arraché sa douce amie du ruisseau »). Il réécrit donc totalement ce qui s’est passé !
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