Lyra est recherchée par un bon nombre de gens. L'un de ces groupes est celui de l’Église (Magisterium) qui la poursuit car elle pourrait les mener à leur perte, saper leur influence et donc leur retirer pouvoir et richesse. Comme ils ne savent pas réellement où elle est et que la situation est urgente, les dévots sont prêts à tout pour la trouver. Ils savent qu'un autre groupe (les sorcières) manifeste de l'intérêt pour Lyra et ils se demandent pourquoi. Quand ils parviennent à capturer une sorcière, le but à atteindre les aveugle et révèle leur véritable nature ; on comprend que les prêtres sont prêts à tout (« Tout est prêt pour recueillir le témoignage de la sorcière ? Je propose de recommencer les tortures »). Autrement dit, ils sont prêts à tout, même à commettre les pires choses, pour arriver à leurs fins. Les cruautés commises par le Magisterium sont bien documentées et marquent les sorcières. Ruta Skadi, une reine d'un clan de sorcières, affirme clairement sa position. Elle rappelle à ses congénères que « depuis qu'elle existe (…) l’Église a toujours cherché à supprimer et à contrôler toutes les pulsions naturelles. Et quand elle ne peut pas les contrôler, elle les détruit ». Le Magisterium enferme donc les gens, tente de les contraindre à sa volonté. Ruta Skadi va plus loin en évoquant un terrible événement : « Certains d'entre vous ont vu ce qu'ils faisaient à Bolvangar ». Bolvangar résonne dans la mémoire de tous, c'est un endroit où l’Église a commis une de ses pires actions en séparant des enfants de leurs daemons.
Face à cela, certains se dressent, prêts à prendre tous les risques. Lord Asriel en est la parfaite illustration. Il sait que, face à la toute-puissance de l’Église, il est condamné à une mort certaine. Pour autant, comme le rapporte son majordome, il décide de lutter : « chez nous, Serafina Pekkala, s'opposer à l’Église est un crime passible de mort, et pourtant, Lord Asriel nourrit dans son cœur un désir de révolte ». La cause passionne Asriel et son dévouement convainc les gens. Après avoir rencontre Asriel, Ruta Skadi rend compte aux autres sorcières et rapporte que « il m'a prouvé qu'il est juste et légitime de se rebeller, lorsqu'on songe aux horreurs que les agents de l'Autorité accomplissent en son nom (…) il m'a raconté comment, dans certains mondes, on capture les sorcières pour les brûler vives ». Encore une fois, on retrouve la volonté du Magisterium d'infliger de la souffrance.
L'Autorité, qu'est ce donc ? Dans le roman Le miroir d'ambre, le lecteur fait la rencontre de deux anges qui nous en apprennent beaucoup à son sujet. Si on les croit, l'Autorité ne serait pas le réel Dieu, mais un usurpateur (« il n'a jamais été le Créateur. C'était un ange, comme nous ; le premier ange, certes, le plus puissant »). Fort de sa puissance, cet ange devenu Autorité a donc imposé son autorité à ses confrères puis aux différents mondes. Mais l'Autorité sent son pouvoir s'effriter et veut réaffirmer sa domination : elle « considère que les êtres conscients de toutes les espèces sont devenues dangereusement indépendants (…) Son but est d'instaurer une inquisition permanente, dans tous les mondes, sous les ordres directs du Royaume ».
De son côté, Ogunwe, un allié d'Asriel, pense exactement la même chose (« le Royaume des Cieux porte ce nom depuis que l'Autorité a décrété qu'elle était au-dessus des autres anges »). On retrouve donc cette idée de prise de pouvoir par la force et une certaine illégitimité à maintenir son pouvoir sur des gens qui voudraient s'en échapper.
Pour contrôler les mondes, l’Autorité peut donc s'appuyer sur les différentes églises. Le plus fort des anges s'est également impliqué en manipulant les gens pour les contrôler. Il a créé le monde des morts, loin des promesses d'un paradis après la vie. C'est un monde où ce qui reste des individus errent, sans but, et menacés par des harpies. Ces dernières sont tout aussi prisonnières de ce monde que les morts. On comprend à quel point l'Autorité a été perfide et cynique en lisant leur témoignage : « quand les premiers fantômes sont arrivés ici, l'Autorité nous a donné la puissance de voir ce qu'il y a de plus mauvais en chacun, et, depuis, nous nous nourrissons de ces ignominies, à tel point que notre sang est empoisonné et que nos cœurs sont malades ». Une nouvelle fois, tout le monde doit ressentir de la douleur des actions de l'Autorité, même ceux qui le servent.
La survie de l'Autorité et du Magisterium sont donc mis à mal par l'existence de Lyra. Le Père MacPhail nous explique plus précisément pourquoi : « c'est encore une enfant, je suppose. Cette Eve, qui va connaître la tentation et qui, si elle suit l'exemple donné, succombera à son tour, nous entraînera tous avec elle dans sa chute (…) je propose d'envoyer quelqu'un à sa recherche, pour la tuer avant même qu'elle puisse être tentée ». Les hommes d’Église sont clairement aveuglés par leur fanatisme et enclins à commettre des actes effroyables, tuer un enfant, afin de garder leur suprématie.
Bolvangar, Lyra... attaquer des enfants ne semble pas déranger le Magisterium. Lady Coulter (la mère de Lyra) a bien analysé leurs motivations et se rend compte qu'ils sont englués dans le passé. Coulter, elle-même un personnage bien cruel, parle avec des termes durs : « s'ils le pouvaient, ils reviendraient dans le jardin d’Éden et tueraient Eve avant qu'elle se laisse tenter. Tuer ne leur pose aucun problème. Calvin lui-même a ordonné qu'on tue des enfants. Ils la tueraient en grande pompe, avec tout un cérémonial et des prières, des psaumes et des cantiques ». Si elle est aussi vindicative, c'est parce qu'elle parlé aux responsables de la traque de Lyra. Elle n'a pas hésité à leur dire à quel point ils étaient répugnants. On sent sa passion lors qu'elle dit que « si vous avez cru un seul instant que j'allais remettre ma fille entre les mains – les mains ! – d'une bande d'hommes habités par une obsession fiévreuse de la sexualité, des hommes aux ongles noirs, empestant la vieille sueur rance, des hommes dont l'imagination furtive ramperait sur son corps comme des cafards (…) vous êtes encore plus stupide que vous pensez que je le suis ».
Le cas de Mary Malone est intéressant car elle est une ancienne nonne (« vous avez cessé de croire aux principes de l’Église et ils vous ont laissée sortir »). Son départ n'a pas été paisible : « tout le monde autour de moi était terriblement déçu. Que ce soit la mère supérieure, les prêtres ou mes parents, ils étaient tous furieux et plein de reproches ». On le voit bien, quitter l'église pour donner un autre sens à sa vie, est mal vu. Il est mal vu de vouloir trouver son propre chemin. Cela est vécu comme une trahison.
Avec le recul, après avoir assisté à la guerre de Lord Asriel contre l'Autorité, Mary Malone se plonge en pleine réflexion (« autrefois, j'avais l'impression d'être reliée à Dieu, et, grâce à sa présence, j'étais reliée à l'ensemble de sa création. Mais s'il n'existe pas... »). Cette femme nous montre bien ce que lui avait apporté l’Église, la sensation de participer à quelque chose de plus grand qu'elle. Cependant, apprendre que tout ça reposait sur une imposture a changé sa vision des choses. Volontairement ou non, Mary porte alors le coup fatal au Magisterium en permettant à Will et Lyra de concrétiser leur amour.
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