Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Petit-Furet dans la légende

Il existe des personnages qui paraissent anodins et qui ont un grand impact sur l’histoire. Il existe des personnages qui accomplissent des ...

samedi 30 juillet 2022

La vie après la mort : le Fou dans Adieux et retrouvailles

 

Comme il l'avait prédit, le Fou meurt à Aslevjal. Il avait accepté sa mort, il l'attendait car elle devait lui permettre d'atteindre son objectif : le retour des dragons. Parfois brave, parfois avec peur, il a donc affronté le froid du glacier en sachant qu'il allait mourir. Ce qu'il ne savait pas était la façon dont cela allait se passer : il n'avait aucune possibilité de savoir qu'il passerait entre les mains de la terrible Femme Pâle, qu'elle le réduirait à néant en lui occasionnant de grandes souffrances. La mort du Fou ne laisse place à aucun doute, les témoins sont formels ; il a été torturé, broyé. Umbre a bien connu le Fou, il sait tout ce que le royaume doit à cet être même si ses dernières décisions ont créé un fossé entre eux. C'est ce qu'on sent lorsqu'il lui rend hommage : il est impressionné par la force de conviction du fou, son entêtement et cela même si il sait que sa volonté de réintroduire les dragons va grandement perturber les choses ("il a gagné mais il nous laisse nous débrouiller avec sa victoire ; les conséquences s'en révéleront sûrement aussi imprévisibles qu'il l'était lui-même").

Fitz, lui, décide de rester sur Aslevjal alors que les autres s'en vont vers Castelcerf. Il refuse de laisser son plus vieil ami derrière lui, seul, dans le froid, en terre hostile. Il désire "retrouver la dépouille de mon ami et la brûler" car "il avait horreur du froid ; il n'aurait pas aimé demeurer à jamais enfoui dans la glace". Fitz sacrifie donc son futur à ce moment du récit pour prendre soin du fou. C'est un choix important car il laisse partir non seulement ses amis mais aussi l'opportunité de rencontrer Ortie (sa fille). Fitz a eu un petit aperçu de ce qu'est la Femme Pâle, il sait qu'elle est manipulatrice, prête à tout pour arriver à ses fins et cruelle. Il n'a aucune idée de ce qu'il va trouver : avant de le tuer, la Femme Pâle s'est acharnée sur le fou. Elle a détruit son physique mais aussi sa personnalité. Quand Fitz retrouve le cadavre du Fou, le spectacle est terrifiant : "on avait écorché le fou pour le dépecer du tatouage qui ornait son dos (...) ce n'était pas par esprit de revanche que la Femme pâle avait tué ainsi le fou, lorsqu'elle avait compris que je la bravais et réveillais le dragon ; non, elle avait agi ainsi par pur plaisir". La Femme Pâle a méthodiquement brisé tout ce qui caractérisait le Fou, ce qui le rendait si particulier : on le savait doué pour fabriquer des objets avec ses mains, on le savait brillant par les mots ; tout cela, elle l'a réduit à rien. Elle s'en vante d'ailleurs lorsqu'elle tombe sur Fitz portant tendrement le corps du fou. Elle lui hurle : "attends de voir ses mains, ses doigts si habiles et gracieux ! Et aussi sa langue et ses dents, sa bouche d'où s'échappaient tous ces traits d'esprit qui t'amusaient si fort !"

Le Fou est donc bel et bien mort. Mais, Fitz pense qu'il peut tenter de le ramener par l'Art. Il contacte Devoir, Umbre et Lourd en leur demandant de prêter leur énergie et leur force. Tous les efforts sont inutiles. C'est Lourd qui remarque l'inéluctable réalité : "on ne peut pas guérir un tas de boue". Pour Fitz, c'est le coup fatal. On le sent abattu, résigné, défait. Lui qui a perdu Molly, Vérité, Burrich, Oeil-de-Nuit est à nouveau frappé par un départ définitif. Ses pensées sont emplies de tristesse : "mon rêve, je le tenais dans mes bras, et il était mort." Poussé à bout, Fitz est prêt à se raccrocher à n'importe quoi pour tenter de ramener le Fou. Il mélange la magie du Vif, la magie de l'Art et un artefact (la couronne au coq) dans un effort désespéré : le résultat est inattendu ; il rencontre des personnes du passé, il entre dans le corps du Fou et inversement. Lui qui a déjà été ramené à la vie par Burrich (grâce au Vif) et guéri d'une mort par l'Art (après avoir tué Laudevin) se rend compte de ce qui se passe : "il ne s'agissait pas de guérir par l'Art, mais d'accompagner, de guider les changements, d'orienter les éléments pour qu'ils reprennent la disposition que je gardais en mémoire".

Mais, si Fitz a ramené le Fou à la vie, si il a pu remettre l'esprit dans le corps, il ne se doute pas qu'il va condamner le fou à vivre une terrible épreuve : ses souffrances et son abdication. Car le Fou a baissé les bras lorsque la Femme Pâle l'a torturé. Il a imploré sa miséricorde ("pitié, assez ! Je ferai tout ce que tu voudrais, mais arrête. Arrête") pour rien. La Femme Pâle s'est acharnée sur lui, elle " ne voulait rien de lui sinon sa souffrance". Elle était lancée dans une logique de destruction et de revanche, quelque chose qui remonte à leur enfance commune à Clerres. Les deux se sont détestés dès cette époque.

Les cauchemars envahissent le Fou. Il est faible, craintif. Quand il demande à Fitz si il parviendra à dépasser tout ça, ce dernier ne peut que lui offrir une réponse convenue : il faut du temps. Il lui dit que "je n'y suis pas arrivé et tu n'y arriveras pas. Mais on continue à vivre. Ça devient une partie de soi, comme n'importe quelle autre cicatrice. Ton existence se poursuivra". C'est une bien maigre réponse...

Ce qui semble le plus déranger l'ancien bouffon du roi Subtil est d'être encore en vie alors qu'il avait prophétisé sa mort. Il n'est plus à sa place, il n'aurait jamais cru être témoin des changements occasionnés. Surtout, il ne sait plus quelle voie arpenter, il a peur que ses actes modifient ce qu'il a créé. On a alors affaire à un Fou perdu, un individu qui a perdu toutes ses certitudes, toute sa confiance : "pour la première fois de ma vie, avoua-t-il, j'ignore quoi faire; Tu m'as transporté dans un temps qui s'étend par-delà ma mort (...) Je n'ai aucune idée de ce qui va m'arriver, de la façon d'employer mon existence". Pire, lorsqu'il discute avec Fitz, il comprend que Fitz est prêt à tout laisser derrière lui afin de rester à ses côtés ; il est prêt à renoncer à Molly, Ortie et tout ce que Castelcerf lui réserve. Le Fou ne peut accepter ça, il sait tout ce que Fitz a abandonné au fil des années et ne veut pas lui imposer ça à nouveau. S'il est prêt à faire ça, c'est parce qu'il aime Fitz : "tu m'as donné une rallonge de vie ; voudrais-tu que je m'en serve pour te dépouiller de la tienne ? Je puis t'aimer Fitz, mais jamais je n'accepterai que cet amour te détruise".

Le Fou sait que Fitz est têtu, qu'il ne tournera pas si facilement la page. Il prend alors une décision importante et douloureuse : il coupe tout lien. A part Fitz, personne ne se sentait le Fou. Même Oeil-de-Nuit l'appelait le Sans-Odeur. Leur relation spéciale est terminée : "mon ami d'enfance, mon compagnon d'adolescence avait disparu (...) Un homme à la peau brune et aux yeux noisette me regardait d'un air compatissant". Le Fou a survécu à la mort, mais à quel prix ? Il a été brisé. Et il a perdu une connexion importante. Aslevjal marque donc sa mort puis sa renaissance, une renaissance douloureuse et incomplète qui le mènera vers un long voyage vers son école (Clerres).



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