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samedi 11 novembre 2023

Vérité manque-t-il à Kettricken ?

Vérité se sacrifie pour sauver son royaume des Six-Duchés des terribles griffes des Pirates Rouges. Il laisse derrière lui sa femme et son enfant à naître. Il laisse derrière lui une femme qui a traversé deux pays pour le retrouver puis l’aider. Kettricken a pris d’énormes risques, s’attirant la méchanceté de Royal. Cela montre bien l’amour qu’elle a pour Vérité, même si leur mariage est une union arrangée et que Vérité a longtemps été froid avec elle. 

Une fois Vérité disparu, Kettricken ne reprend pas de mari. On ne lui connaît pas de liaison. Elle se contente de gérer le Royaume et préparer son fils, Devoir, à ses futures responsabilités de roi. Mais, le souvenir de Vérité la hante toujours.


On comprend très vite que la question est délicate et assez claire. Vérité manque à Kettricken et il est très compliqué de lui en parler. Pour Devoir, c’est même une tragédie car il ne peut pas avoir beaucoup d’informations sur son père. Mais, Devoir respecte le choix de sa mère. Il dit à Fitz que « ma mère parle de son roi, parfois de son époux, et, dans ces occasions, je sens qu’elle le pleure encore ; c’est pourquoi je répugne à l’accabler de questions ». Kettricken a donc toujours des sentiments forts et débordants pour Vérité. Elle n’a jamais réussi à faire son deuil ou l’oublier.


La tragédie de Kettricken est qu’elle n’a personne à qui parler de Vérité. Le Fou et Fitz ont disparu de Castelcerf, Astérie erre sur les routes des Six-Duchés et Umbre est prisonnier de son culte du secret. Pire, elle n’a jamais pu discuter avec quelqu’un de la fin de Vérité. Elle l’a sans doute raconté pour les archives historiques mais elle n’a pas pu en parler pour elle-même. On sentirait presque une pointe de roche, destiné à personne en particulier, lorsqu’elle en parle à Fitz : « vous êtes peut-être vous-même le seul qui ait compris ce que j’ai ressenti à la disparition de Vérité, à le voir transformé, à le savoir bientôt triomphant, sans pouvoir m’empêcher d’éprouver un chagrin égoïste à l’idée de ne plus jamais retrouver l’homme qu’il avait été ». C’est une des raisons qui explique l’attachement de Kettricken pour Fitz : il est le porteur de souvenirs de Vérité. Toutefois, il faut aussi préciser qu’elle apprécie Fitz pour ce qu’il est, qu’il a été son premier ami à la cour de Castelcerf sans oublier son attachement pour Oeil-de-Nuit.

Après la presque mort de Fitz lors du combat contre Laudevin et Pie, elle répète son attachement à Fitz : « si je vous perdais, je perdrais le seul qui connaisse toute mon histoire, le seul qui, quand il me voit, sait ce que j’ai vécu avec moi roi ». Kettricken a donc peur de perdre le seul témoin véritable de son histoire avec Vérité. Peut-être se dit elle que si Fitz meurt, tout cela s’évaporerait… Et quand Fitz lui parle des autres (Umbre, Astérie, le Fou), Kettricken est claire dans ses propos en disant que « ni l’un ni l’autre ne l’aimait comme nous l’aimions ».


Vérité manque à Kettricken. Elle aurait tant aimé avoir plus de temps avec lui. Malheureusement, grâce à la disparition de Vérité, elle sait ce que cela fait de perdre un être très important. C’est sans doute pour cela qu’elle est capable d’apporter un tant soi peu de consolation à Fitz après la mort d’Oeil-de-Nuit alors que personne d’autre n’en est capable. Sa confession touche Fitz ; elle lui affirme tendrement que « j’ai parfois l’impression de le sentir près de moi, en train de me souffler des conseils pendant les heures difficiles de ma vie. Puisse Oeil-de-Nuit demeurer avec vous comme Vérité reste avec moi ».

Le souvenir de Vérité est présent, vivace. Elle surveille attentivement sa mémoire. On en a la confirmation quand des représentants de Terrilville viennent au château de Castelcerf demander l’aide des Six-Duchés contre Chalcède. Ils proposent une alliance en mettant en avant qu’ils pourraient possiblement compter sur le réel dernier dragon. Pour un duchéen lambda, ce serait déjà presque une insulte tant les images des dragons libérant le royaume des Pirates Rouges font partie de la culture personnelle. Kettricken le prend comme une insulte personnelle, une remise en cause du statut de son mari, de ses accomplissements. Elle explose et Fitz en est témoin : « je crois qu’aucune insulte personnelle n’aurait provoqué une réaction aussi indignée de la part de notre souveraine. Les visiteurs ne pouvaient pas savoir que c’était l’histoire de son roi, Vérité, son unique amour, qu’elle défendait ».


Dans la trilogie du Fou et de l’assassin, Kettricken a vieilli. Devoir assume pleinement son rôle de Roi, accompagné d’Elliania. Elle se rend dans les Montagnes pour rendre un dernier hommage au roi mourant et assurer le passage de six à sept duchés. Elle permet également à Fitz de sortir de l’ombre en enclenchant le processus qui le permettra de réapparaître publiquement. Elle avoue à Fitz qu’elle a toujours su qu’il avait prêté son corps à Vérité pour la conception de Devoir ; cela peut, d’ailleurs, aussi expliquer son attachement à Fitz. Elle rend visite au dragon de Vérité quand Fitz forge son loup de pierre et d’Art. Ce besoin la rongeait, elle avait faim de pouvoir revoir son roi. Elle en a même fait la demande à Fitz, de la faire traverser par un pilier d’Art (« par ce pilier, si vous me teniez par la Amin, vous pourriez me conduire à lui ? Ne fût-ce qu’une fois ? Je sais, je sais que je ne le retrouverais pas vraiment ; mais rien que toucher la pierre qui l’emprisonne… » La peine de Kettricken est perceptible.

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