La
saga des Aventuriers de la Mer se déroule juste avant la deuxième
trilogie de l'Assassin royal. Si on retrouve le Fou (sous les traits
d'Ambre), le récit fait la part belle à de nouveaux personnages, et
notamment la famille des Marchands Vestrit, des pirates (Kennit,
Etta), des vivenefs (des bateaux magiques comme Vivacia, Ophélie ou
Parangon le maudit), les Chalcédiens, Tintaglia la dragonne…
En
terme de lieux, l'action se déroule principalement au sud des
Six-Duchés : de Jamaillia à Terrilville, en passant par les
Iles Pirates. Ces territoires sont placés sous l'autorité du
Gouverneur.
Quand
s'ouvre le tome neuf, de grandes tragédies se sont déjà
déroulées : Terrilville a été secouée, les membres de la
famille Vestrit sont éparpillés, le Gouverneur a disparu et les
différentes villes et îles semblent s'affranchir de son
commandement. En outre, les histoires personnelles se mêlent, se
croisent : des fils et filles de Marchands abandonnent leur
confort, des pirates ont des origines inattendues, la guerre éclate,
des traditions sont reniées, d'autres personnages sont marqués par
Tintaglia et ainsi de suite…
Tout
le long du roman, on sent que les dragons prennent une place
prépondérante dans les changements et les événements : ils
sont une nouvelle force à prendre en compte. Selden Vestrit nous en
donne un premier aperçu en disant à sa mère et à sa grand-mère
que « la richesse que les dragons vont nous apporter excédera
de loin l'argent (…) ce qui fait notre valeur aux uns et aux
autres, c'est que chaque race présente à l'autre un miroir de
présomption et de vanité ». On notera d'ailleurs que le Fou
tiendra plus tard les mêmes propos à Umbre avant que les gens des
Six-Duchés ne se lancent dans la quête de Glasfeu.
Tintaglia,
par son attitude et ses paroles, montre à tous et à toutes la
véracité des propos de Selden. Elle se considère au-dessus des
humains, ils sont à son service (« je suis un dragon, humain.
Dans l'univers, vos rêves, vos projets, vos ambitions ne comptent
pour presque rien. Vous ne vivez pas assez longtemps pour avoir de
l'importance »). La susceptibilité des hommes et des femmes
est souvent perturbée.
Bien
entendu, la puissance et la magnificence de Tintaglia déclenchent
deux genres de réactions :
-
l'admiration. Ambre (qui a déjà vu les dragons de pierre) dit par exemple que « seul un authentique dragon est un dragon. Tous les autres ne sont que pâles imitations »
-
la mise à mal de la fierté. On peut par exemple citer les propos d'Althéa (« il tient tranquillement pour acquis que nos vies lui appartiennent, et j'ai du mal à l'avaler »).
Tintaglia
a la faculté de marquer certains humains et de commencer leur
processus de transformation en Ancien. C'était déjà le cas de
Selden, ce sont aussi Malta et Reyn.
La
dragonne fait clairement à comprendre à l'habitant du désert des
Pluies que sa vie a basculé : « Reyn, si tu trouves une
compagne, que tu engendres des enfants, la prochaine génération
sera formée d'Anciens ».
De
par leur nature, les vivenefs sont des dragons (en attente, non
transformés, emprisonnés). Ils sentent donc quand ils sont en
présence d'une personne touchée par un dragon ; Vivacia
accueille Malta en lui souhaitant la « Bienvenue à toi, Amie
des Dragons ».
Malta,
qui elle aussi a grandement évolué depuis le premier tome et n'est
plus la gamine capricieuse, retient même l'attention de Tintaglia
(« tu as bien choisi. Elle est faite pour être une reine des
Anciens, et porte-parole des Dragons »). D'ailleurs, même
Althéa sent que sa nièce a changé ; quand elles se retrouvent
par hasard sur le pont de la vivenef Vivacia, elle ne peut que
constater sa métamorphose (« les grands rêves d'avenir d'une
petite file romanesque avaient été remplacés par une volonté
adulte de survivre au lendemain »).
Ce
qui fait la richesse des Aventuriers de la Mer et de ce tome sont
toutes les histoires personnelles.
C'est
par exemple Ambre. On la connaissait déjà sous les traits du Fou,
on en découvre un peu plus ici, on en apprend encore sur ses
motivations et parfois ses peurs (« on m'a traitée de folle
aussi souvent que de prophète ») ; surtout on a plaisir à
voir que Fitz l'a marquée à un tel point qu'elle sculpte son visage
sur la figure de proue du Parangon : « il mourait de
curiosité, sachant qu'il avait le visage de quelqu'un qu'Ambre avait
aimé. »
C'est
surtout Althéa qui s'est vue dès le début être privée du droit
de diriger la vivenef de la famille mais qui en plus a tout abandonné
pour vivre une vie de marin plus que compliquée (elle a dû se faire
passer pour un homme, elle a eu des expériences douloureuses, elle a
subi l'incompréhension de sa famille).
Elle
vit encore une terrible épreuve quand elle est violée par Kennit.
Même si certains sont aveugles ou sourds (Hiéman dans un premier
temps) suite à ce qu'elle a subi, ce n'est pas le cas de deux
personnages féminins importants : Etta et Vivacia. La compagne
de Kennit dit à un Hiéman incrédule que ce que raconte Althéa est
la vérité (« cette révolte, chez une femme, rien d'autre ne
peut la provoquer »). Quant à la vivenef, elle est consciente
de tout ce qui se passe à bord. On ressent toute sa peine et sa
colère lorsqu'elle met Kennit en face de ses faits : « c'est
le plus grand préjudice que l'on peut causer à une femme ou un
dragon femelle. Cela me révolte, cela me dégoûte au pus haut
point »).
Dès
lors, Althéa est profondément changée par son viol, elle alterne
colères et doutes et cela perturbe même son intimité avec Brashen.
Heureusement,
à la fin du roman, se produit quelque chose que nous avons déjà vu
avec Fitz dans la Reine Solitaire. Sa peine, sa douleur lui sont
retirées. Si elle garde le souvenir du viol, « elle n'était
pas obligée de s'accrocher à la souffrance » qui a été
captée par Vivacia.
De
son côté, Kennit meurt. Son histoire est complexe. Pirate, Roi des
Pirates, il est le fils d'un Marchand et a été lui-même abusé par
un pirate. Fier, il a de grands projets pour les Iles des Pirates. Il
est celui qui a réussi à capturer une vivenef, il est content
d'apprendre que sa compagne porte une fils même si il ne le montre
pas mais il est capable aussi d'actes cruels comme le montre le viol.
Comme Brashen le dit, Kennit est « mort dans les bras de
Parangon ». La vivenef l'a absorbé. Il lui appartenait.
C'est
aussi un tome où les bouleversements politiques sont nombreux. Dès
le début, au détour d'une conversation entre Keffria et Ronica, on
apprend que « des Tatoués parlent de s'embarquer pour les
Six-Duchés. C'est un pays rude, quasi barbare mais ils croient
qu'ils pourront recommencer leur vie là-bas ».
Le
Gouverneur a également vécu des épreuves pour lesquelles il
n'était pas prêt, lui qui a toujours vécu dans le luxe et
l'abondance. Si on peut douter de la pérennité de son changement,
il faut bien admettre qu'il prend des décisions audacieuses, certes
sous la pression de Malta et de tous ceux qui le pressent.
Il
sait que « Jamaillia est vulnérable à l'attaque des marins
chalcédiens. JE suis avisé de rechercher de plus sûrs alliés ».
C'est ainsi qu'est officialisée la naissance et l'indépendance des
Iles des Pirates.
Sérille
(ancienne dame de Compagnie du Gouverneur) nous informe un peu plus
sur les changements intervenus : « le Gouverneur n'a plus
besoin d'alliance, puisque Terrilville a été reconnue comme
ville-Etat indépendante ». La famille Vestrit devient
l'interlocutrice privilégiée du Gouverneur mais aussi du désert
des Pluies (il faut dire que Selden est offert au désert des Pluies,
aux dragons, serpents) et que Malta et Reyn vont se marier.
Ce
qui se passe au Palais du Gouverneur résume parfaitement la nouvelle
situation : « personne ne voulait manquer l'occasion
d'entrevoir une fois encore la belle, la svelte,la grandes reine des
Iles des Pirates, mais surtout de voir danser le couple d'Anciens ».
Enfin,
le roman annonce ce qui se passera dans les Cités des Anciens (« les
immenses cocons reposaient sur la rive boueuse comme des cosses
géantes » ).
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