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vendredi 10 janvier 2025

Les amants de Tintaglia

Tintaglia est contente : elle a enfin fini par trouver un mâle qui va lui permettre de perpétuer l’espèce des dragons. Pour elle, c’est un soulagement car, si des dragons ont émergé des cocons, ils sont dépendants, faibles. Quand elle a appris qu’un dragon était enfoui dans les glaces d’Aslevjal, elle a vu là une opportunité qu’elle a saisie. Elle a forcé les duchéens et autres de libérer Aslevjal tout en leur permettant de défaire le dragon fou de Kebal Paincru, ce dragon bâti sur la peine de gens forgisés. 


La délivrance de Glasfeu est tout de suite mise à profit par Tintaglia. Elle ne perd pas de temps pour s’accoupler avec lui. Elle le fait sur le champ de bataille devant tout le monde. Fitz est témoin de la scène et son témoignage laisse peu de place au doute : « je savais à quoi j’assistais : ce vol nuptial prédisait la réapparition des dragons dans notre ciel. Les yeux levés, je regardais le miracle de ces deux créatures qui exhibaient sans pudeur leur retour à la vie ». Ce n’est pas une union tendre. C’est presque un combat, un affrontement, en tout cas plein de passion et de force.

On en a la démonstration lors du mariage de Devoir et Elliania. La présence des deux dragons bénit le couple royal. Ce n’est pas la seule chose qu’elle apporte car tous les gens présents ont le droit à un spectacle magnifique et inattendu qui marque leur vie. En effet, les dragons « s’élevèrent ensemble, masse scintillante, noire et bleue, en une ascension brusque, presque verticale, puis Glasfeu plongea et s’empara de la femelle ; ils s’accouplèrent avec avidité et impudeur ». Les dragons semblent donc se moquer de qui les regarde. Ils se savent au-dessus, ils savent que les esprits des humains peuvent être influencés. Les conséquences à Castelcerf sont claires : « elle fit courir dans la foule une onde du sentiment et du désir amoureux qui marqua pour beaucoup cette soirée de festivité du souvenir d’une longue et mémorable nuit ». Autrement dit, la passion des dragons s’est transmise aux hommes et aux femmes.


A première vue, on pourrait donc croire que Glasfeu et Tintaglia sont faits l’un pour l’autre, d’autant plus qu’à ce stade du récit, ils sont les deux derniers dragons encore en état.


Toutefois, dans les Cités des Anciens, on aperçoit les premières lézardes. On se rend compte que Tintaglia n’est pas si attachée que ça à Glasfeu. Elle le trouve trop différent, trop arrogant, trop protecteur de ces anciens souvenirs de dragon.

Malgré tout, elle reconnait sa valeur (« il y avait bien des aspect de son compagnon qu’elle n’aimait pas, mais c’était indubitablement un seigneur des airs »). Tintaglia voit bien que Glasfeu est un dragon majestueux et puissant, un dragon comme il n’y en a plus. Surtout, Glasfeu est hors du temps. Sa mémoire contient des choses que Tintaglia convoite, mais, malheureusement, « à la grande frustration de Tintaglia, le dragon noir parlait rarement de ce temps ».

Tintaglia ne peut pas être guidée par ses états d’âme : elle a un but à atteindre, elle qui veut que les dragons règnent à nouveau sur terre, dans le ciel et les mers. Elle garde donc Glasfeu comme compagnon, faute de mieux. Comme elle est convaincue qu’ils « étaient les deux seuls vrais dragons qui existaient dans le monde », alors c’est avec Glasfeu qu’elle « devait s’accoupler, même s’il ne lui convenait pas ».


Pourtant, à Kelsingra, les dragons autrefois impotents et incapables ont grandi, appris à chasser et à voler. Tintaglia n’a pas conscience de ce changement. Il faudra qu’elle frôle la mort pour s’en rendre compte. Piégée par des humains, elle tente de se diriger comme elle peut vers Kelsingra. En chemin, elle tombe sur Kalo, un dragon, qui ne cache pas ses intentions : « si tu anges, tu survivras peut-être ; si tu survis, je trouverai peut-être une femelle digne de ma taille ».

Ayant survécu, Tintaglia cherche la vengeance et s’en va détruire Chalcède. Elle est accompagnée par bon nombre de dragons, dont Kalo et Glasfeu qui sont en compétition pour conquérir Tintaglia. Tout le monde a conscience de la rivalité qui anime les deux dragons ; Reyn remarque que « le mâle noir et Kalo se battaient sans cesse pour occuper un point derrière Tintaglia ».

L’affrontement est épique et violent. Kalo l’emporte. Selon Tatou, « Glasfeu a dû se déclarer vaincu ».


Mais, même battu, Glasfeu invoque les anciennes coutumes. Il rappelle que Tintaglia porte ses enfants et que c’est à lui de la mener jusqu’à l’endroit convenu : « je suis le père de cette première génération ; ce qui est à moi me revient. Je voyage avec elle jusqu’aux plages de nidification pour surveiller le creusement des nids et tenir les Autres à distance ». Ce sera la dernière fois qu’on verra Glasfeu avant son retour épique à Clerres… où il arrivera seul. 

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