Prudence Loinvoyant est un personnage majeur dans l’histoire des Six-Duchés. Elle est la mère de celui qui deviendra le Prince Pie. Elle est celle qui a fait vaciller la volonté de père, le roi Viril. Bien involontairement, elle instillera la méfiance envers le Vif. Mais, Patience est surtout une personne à l’histoire tragique, qui a fait passer ses désirs avant ses devoirs de princesse puis de reine-servante.
Profitant de son statut, Prudence se révèle une jeune personne égoïste, ne pensant qu’à elle et difficile à canaliser. Elle n’écoute pas ceux et celles qui doivent l’éduquer, tient tête à ses parents. La seule personne qu’elle semble écouter est Félicité, une jeune femme qui a grandi auprès d’elle et qui vient du peuple (la mère de Félicité allaite les enfants de la noblesse). Félicité est très proche de Prudence, elle est même extrêmement intime avec elle. C’est avec Félicité que Prudence va commencer son éveil sexuel. Si il est impossible d’avoir une relation avec un homme afin de conserver sa virginité, rien ne l’empêche de vivre des expériences avec une fille. C’est ce qu’elle fait : « si les dames de la noblesse devaient être vierges lors de leur mariage, le plaisir ne devait pas pour autant leur être étranger, et, sous cet aspect, j’avais service ma reine avec efficacité et empressement avant même que nous ne fussions devenues femmes ».
On comprend que Prudence est traversée par une sorte de fièvre sexuelle qu’elle a du mal à contenir. L’arrivée de Losleur et de son étalon va tout changer. On peut penser que Prudence est sensible au Vif, c’est un détail important qui peut expliquer pas mal de choses qui se passeront ensuite. A travers le cheval, Prudence semble explorer une relation physique et passionnée avec Losleur. Ce qu’elle fait laisse peu de places au doute.
Prudence est très tactile, elle « caressait le museau de son étalon taché ou suivait son encolure du bout des doigts ». Félicité remarque l’effet produit sur Losleur qui « frissonnait de plaisir » et « quand elle montait le cheval, c’est comme si elle étreignait l’homme ».
Les rumeurs à la cour enflent. On murmure que Prudence a succombé au plaisir et couché avec Losleur. Les descriptions faites sont assez claires ; on dit que « certains affirment qu’il la prit rudement, sans égard pour son rang, comme un étalon prend la jument qu’il veut, d’autres qu’elle se jeta au sol sans attendre, retroussa ses jupes et attira le maître des écuries sur elle ».
La rumeur se transforme vite en réalité. Félicité espionne sa maîtresse : « elle frémissait à chacun des coups de boutoir de Losleur, et lui avait les yeux fermés, ses dents d’une blancheur éclatante (…) l’étalonnement taché les regardait avec tant d’avidité ». Prudence a donc commis l’ultime transgression. En faisant cela, elle a mis en péril ses obligations envers la Couronne. Elle prend le risque de porter un bâtard et de fragiliser la lignée des Loinvoyant. Surtout, elle montre qu’elle ne pense qu’à elle, et surtout pas la pérennité du Royaume. D’autant plus que, jusque là, elle avait refusé tous les prétendants présentés par ses parents.
Quant à Félicité, elle prend cela comme un affront personnel. Elle qui a tout donné à Prudence (son temps, son dévouement, son corps) se sent rejetée, mise de côté. Son questionnement laisse peu de place au doute : « n’avais-je pas donné mon propre corps pour son propre plaisir afin de l’aider à rester vierge jusqu’au lit conjugal ? ». L’odeur de la déception, et peut-être même de la trahison, est bien présente.
Ce qui doit arriver arrive. Prudence tombe enceinte. Si beaucoup pensent qu’elle a eu une aventure avec un homme banal, aucun ne semble avoir le courage de la dénoncer publiquement. Et pour ne rien arranger, son père, le Roi, est dans un déni total. Il refuse d’admettre l’erreur de sa fille (sa grossesse) et il refuse de croire qu’elle ait pu coucher avec le premier venu (« il n’imaginait peut-être pas qu’une princesse put s’abaisser à batifoler avec un maître des écuries, et peut-être ceux qui nourrissaient des soupçons n’osaient pas accuser Losleur ouvertement de peur de jeter davantage l’opprobre sur la reine-servante »).
Prudence semble sincèrement amoureuse de Losleur. Quand elle parle de lui avec Félicité, ce sont avec des mots tendres et remplis de passion. Elle met en avant « la douceur de sa peau, ou de la tiédeur de ses lèvres quand il l’embrassait ». Enceinte, Prudence est surveillée. Cependant, elle ne rêve que de Losleur, de partir avec, et donc de manquer à ses devoirs : « elle évoquait également les plans qu’elle échafaudait par dizaines pour échapper à la surveillance ».
On a la preuve de l’amour pour Losleur quand Félicité se dit enceinte. Elle précise que le père est Losleur… Si Félicité ment éhontément, c’est à cause de sa mère : cette dernière la presse de tomber enceinte afin de pouvoir rester proche de Prudence et du futur bébé à naître : en étant enceinte, elle pourra allaiter le futur bébé royal. Ce mensonge perturbe grandement Prudence. Elle est choquée que Félicité et Losleur aient pu avoir une aventure. Elle est atteinte moralement et aussi physiquement (« ma dame rougit puis pâlit tant que je la crus sur le point de s’évanouir »). Dès lors, Prudence se montrera très froide et distance avec celle qui fut sa meilleure amie.
La suite est tragique. Losleur meurt lors d’une bagarre. Présente, Prudence git dans le sang du cheval également tué. Elle voit celui qu’elle aime mourir. L’effet est immédiat et catastrophique. Prudence s’effondre, perd tout contact avec la réalité. Elle n’est que peine et souffrance. Félicité témoigne que « je n’entendis que la peine suraiguë de la reine-servante qui monta, monta et ne se brisa qu’au moment où elle s’effondrait sur elle-même, inconsciente, trempée du sang de l’homme et du cheval ».
Prudence perd donc son compagnon non-officiel. Plus tard, elle perdra la vie en mettant au monde son fils.
Prudence a donc aimé un homme qu’elle n’avait pas le droit d’aimer. Cela l’a menée à sa perte.
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