Pages

mardi 20 mai 2025

[Andrzej Sapkowski] Ciri à l'école des sorceleurs

Cintra a été un réel tournant pour beaucoup de gens, et Ciri comprise. La terrible bataille a réveillé   la guerre, elle a aussi mis la vie de Ciri vers un nouveau destin. Après quelques péripéties, Ciri retrouve Geralt, et le sorceleur décide de l’emmener à Kaer Morhen, un endroit où sont fabriqués  et formés les sorceleurs. C’est donc ce qui semble attendre Ciri, devenir une sorceleuse.


Pour les sorceleurs adultes présents à Kaer Morhen, devoir s’occuper d’une jeune femme est un travail tout à fait inattendu et hors de leur portée sur certains points. Si ils peuvent la former au combat, ils sont inaptes en ce qui concerne son éducation, son attitude. Ils décident donc d’appeler la puissante magicienne Triss Merigold. La première fois qu’elle voit Ciri, Triss pense que c’est un garçon qui est en train de s’entraîner sur la voie. Même pour un adolescent, c’est un exercice périlleux et risqué : il s’agissait assurément de la Voie, cette petite rouge semée d’obstacles qui entourait la forteresse de Kaer Morhen (…) La Voie était son nom officiel, mais Triss savait que les jeunes sorceleurs l’avaient surnommé à leur manière Le Souffroir ». Lorsque Triss finit par se rendre compte que l’enfant en face d’elle est une fille, elle est soulagée de voir que son entraînement n’est pas allé trop loin, à savoir qu’elle n’a pas subi le passage des herbes ; il s’agit d’un moment charnière dans la formation des sorceleurs qui doit enclencher leur mutation mais avec un risque d’échec très élevé. Triss constate donc que Ciri n’est pas encore passée par l) (« les cheveux cendres de l’enfant, bien que celle-ci ait couru sur le Souffroir avec une épée dans le dos, n’avaient pas été soumis à l’épreuve des Herbes ni aux Modifications »).

Il faut dire que les sorceleurs semblent hésiter. Ils voient en Ciri une enfant qui a vécu un réel traumatisme et lui offrent la seule chose à leur portée. Geralt dit que « nous ne savons rien faire de plus (…) L’entraînement et le maniement des armes l’amusent, ils la gardent en bonne santé et en bonne condition physique. Ils lui permettent d’oublier la tragédie qu’elle a vécue ». Toutefois, Triss n’est pas aisée à convaincre : elle semble même douter de la bonne foi des sorceleurs. En tout cas, elle pointe du doigt leur étrange choix (« dans les histoires que l’on me racontait, les petites bergères et les orphelines devenaient des princesses. Et là, je constate que l’on a fait d’une princesse une sorceleuse. Ce dessein ne vous semble-t-il pas quelque peu audacieux ? »).


Triss vient à croire qu’elle a été appelée parce que Ciri est une fille et que les sorceleurs ne savent pas comment réagirait le corps d’une fille aux élixirs, potions et plantes. Dans un rêve enfiévré, Triss remet tout cela en question, elle s’interroge. Dans un beau monologue interne, elle finit par se dire qu’infliger cela à Ciri reviendrait à tuer ce qui est en elle. Les mots sont assez clairs : « et c’est moi qui administrerais la série d’élixirs à cette enfant aux cheveux cendres, moi qui observerais ses Modifications mutationnelles. Je verrais de mes propres yeux comme… Comme cette enfant s’éteint ».


Triss va connaître un réel moment de fureur lorsque Ciri lui a appris qu’elle a ses règles et ne peut s’entraîner. Elle ne comprend pas comment les sorceleurs ont pu passer à côté de quelque chose d’aussi capital et évident. Elle ne se contente pas de les accuser, elle déplore aussi le fait qu’une femme doive cacher ce fait et se sentir coupable. Triss déplore donc que « Ciri n’a pas osé vous le dire parce qu’on lui a appris à taire cette indisposition face aux hommes ». Elle regrette la culpabilité ressentie de Ciri qui « a honte de sa faiblesse, de sa douleurs et de ses maladresses ces jours-là ». Triss est estomaquée de voir à quel point les sorceleurs ont été aveugles et n’ont offert aucun soutien à Ciri. Elle enchaines les accusations et déstabilise clairement les sorceleurs. Elle dresse un portait bien sombre de Ciri qui « peut-être a-t-elle pleuré la nuit » et qui n’a rien trouve auprès des sorceleurs (« aucune compassion, aucun réconfort, aucune compréhension »).

Lambert, un sorceleur, décide de défendre les méthodes employées. Il admet qu’ils n’ont pas tout réussi mais l’entraînement inculquera à Ciri un cadre, une façon d’être et une force qui lui seront utiles (« Ciri sortir d’ici bien formée et en bonne santé, elle sera forte et saura se débrouiller dans la vie »). On comprend qu’il trouve les critiques négatives de Triss injustes.


A vrai dire, donner à Ciri les moyens de se défendre est une bonne idée. La jeune femme a vu ce qui s’est passé à Cintra, elle a frôlé à de nombreuses reprises la mort. Elle est durablement marquée comme Geralt peut en témoigner. Il rapporte que « Ciri se réveille souvent la nuit. Dans un cri. Elle est passée par de terribles épreuves. Elle ne veut pas en parler, mais il est clair qu’elle a vu des choses à Cintra et à Angren qu’un enfant ne devrait jamais voir ». Cela rejoint bien l’idée qu’ils essaient de l’occuper comme ils peuvent ; à leur façon les sorceleurs tiennent à Ciri. Ils font ce qu’ils peuvent pour l’aider. Ils ont même réussi à analyser leurs limites et ils ont en conclu qu’ils devaient appeler Triss à l’aide. Cette dernière offre un soutien émotionnel à Ciri (« Triss continuait de veiller sur elle. Elle ne quittait pas la fillette d’une semelle. Elle l’entourait de ses soins. Visibles et invisibles. »). Triss lui apprend aussi tout un pan de la vie : elle montre à Ciri qu’une fille peut aussi avoir envie de prendre soin d’elle, de se maquiller, de se vêtit autrement que de pantalons et autres. Elle en profite également pour jouer un tour aux sorceleurs. En étant élégantes, les deux femmes offriront un spectacle inédit à leurs hôtes (« devant notre beauté, les sorceleurs resteront figés sur place. On peut difficilement leur offrir plus beau spectacle »).


Ciri, elle, a son propre objectif : elle veut se venger. Elle dit clairement que « je veux le tuer, lui, ce chevalier noir que j’ai vu à Cintra, celui avec des ailes sur le heaume, pour ce qu’il m’a fait, pour la peur qu’il m’a causé ! ». Geralt est consterné d’apprendre ça, il se demande si il n’a pas raté quelque chose dans la formation de Ciri. Il décide de remettre les choses en place. Un sorceleur n’’est pas un assassin (« tu n’apprends pas à tuer ou à être tuée. Tu n’apprends pas à tuer à cause de la peur ou de la haine, mais pour sauver des vies. La tienne et celle des autres »).


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire