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dimanche 26 novembre 2023

Le Fou après sa mort

La Femme Pâle a tué Fitz. Elle a éliminé celui qui se proclamait Prophète de son époque, celui qui avait l’audace de la concurrencer, de la remettre en question. Le Fou mort, la Femme Pâle n’a pas atteint son principal objectif : les dragons sont revenus à la vie.

La vie et la mort sont deux concepts importants dans le cycle de l’assassin royal. Elles peuvent prendre différentes formes, et la mort ne signifie pas nécessairement la fin de la vie. Fitz a été tué par Royal et il est pourtant là des années plus tard. Vérité a donné sa vie pour forger son dragon de pierre et d’Art et il est encore présent dans le courant d’Art, il a même déchainé sa colère sur les Pirates Rouges. On a d’autres exemples de personnes mortes qui ont continué à vivre, notamment grâce au Vif. 

Mais, le Fou n’a pas le Vif. Heureusement pour lui, il a le bout des doigts imprégnés d’Art, il a Fitz, il a la couronne aux coqs et il a des plumes. Tout cela, dans un cocktail magique détonnant, lui permet de revenir à la vie. Le Fou, contre ses propres attentes, a survécu à sa mort.


Le retour à la vie du Fou n’est pas simple. Ses derniers instants, ses derniers souvenirs sont la torture et les méchancetés infligés par la Femme Pâle. Elle ne s’est pas contentée de le maltraiter, elle a également fait en sorte qu’il renie ce qu’il est, elle l’a forcé à avouer des secrets. Le Fou s’est donc vu mourir de la pire des façons. Il n’est donc pas étonnant de la voir traumatisé par ce qui lui arrive : « j’occupais ce corps que je tiens et elle m’a découpé la peau du dos ! Je suis mort (…) Je m’en souviens ; je suis mort ». Comme Fitz après son retour à la vie, le Fou passe par les mêmes étapes : la journée, il ressent le besoin de s’isoler et la nuit il est assailli de cauchemars. Mourir est une épreuve dont on ne ne ressort pas indemne. Cela vous change profondément (« le fou surgir, l’air terrifié, les cheveux en bataille. Sa respiration affolée l’ébranlait de la tête aux pieds, et il s’efforçait de reprendre son souffle, la bouche grande ouverte »). 

La nuit n’offre donc aucun répit au Fou. La journée, il ne cesse de penser à ce qu’il a vécu et quand il pose les yeux sur Fitz, on peut supposer qu’il revit les moments où il estime l’avoir trahi. La façon dont il parle de cela à Fitz ne laisse aucun doute ; il a honte de ce qu’il a fait pour espérer rester en vie ou espérer partir plus tôt. A force des coups et des brimades, il ne savait plus ce qu’il voulait (« on sort humilié de la torture ; céder, hurler, supplier, promettre »). Autrement dit, le Fou a cédé à toutes les demandes de la Femme Pâle dans l’espoir de lui soutirer un hypothétique réconfort, une petite accalmie. Ce qui, bien entendu, n’est jamais arrivé.


Fitz est spectateur de la déchéance de son ami. Il l’a vécu, il sait qu’on ne peut pas l’aider. Il est totalement impuissant. Quand le Fou l’interroge (« s’en remet-on jamais ? As-tu réussi à t’en relever »), il sait que ses réponses lui apporteront tout sauf du confort.

A son époque, Fitz avait vécu quelques temps avec Burrich après sa torture et son retour à la vie. Cela avait été une époque pénible où il avait failli ne pas refaire surface et où il avait été à deux doigts de perdre l’amitié des gens qui voulaient l’aider. 


Il avait tiré deux leçons de ça, deux leçons que traversent le Fou. Personne ne peut réellement vous aider (« Le Fou avait besoin de solitude pour revoir l’image qu’il aavit de lui!même ») et il vous faut un but. Fitz avait décidé d’aller tuer Royal.


La vraie peur du Fou n’est pas nécessairement liée à son passé, aux exactions de la Femme Pâle. A vrai dire, le Fou avait prophétisé sa mort : il avait accepté qu’il devait mourir pour que les dragons reviennent pour de bon. En le ramenant à la vie, Fitz a tout changé, il plonge le Fou dans un présent et un futur vierges. Le Fou doit écrire sa propre histoire, doit trouver sa propre voie et il ne sait pas comment le faire. Toute sa vie, il a été influencé par des rêves, des prophéties. Là, il est arrivé à un moment en-dehors de son temps. Que faire ? Il dit se sentir perdu : « je me sens comme une barque dont on aurait tranché l’amarre et qui voguerait sans personne à la barre ». Il a besoin d’un petit signe, d’un petit il ne sait quoi. Cela prendra la forme d’une voix, celle de l’Homme Noir, celle de Prilkop. Les deux ont les mêmes origines même si ils ne sont pas nés à la même époque. Voir Prilkop, l’entendre surtout, fait un bien énorme au Fou. Il s’en ouvre à Fitz qui ne comprend pas ; il lui dit que « je n’ai pas entendu la langue de mon enfance, depuis… ma foi, depuis que je suis parti de chez moi ; tu ne sais pas le bonheur que je ressens à l’entendre de nouveau ».

Cela fait naitre une envie ; « il s’agit pour nous de rentrer chez nous, d’ne certaine manière de revenir là où notre personnalité s’est façonnée ». Le Fou et Prilkop veulent transmettre ce qu’ils ont appris, tout ce que les épreuves traversées leur ont enseigné. Ils veulent sans doute éviter que d’autres aient à vivre des choses aussi dures qu’eux.


Pour le Fou, cela n’a pas été un choix facile. Il aurait pu rester avec Fitz. Ce dernier aurait accepté volontiers sa présence. Mais, le Fou sent que Fitz doit emprunter un autre chemin, qu’il doit retrouver la personne qu’il aime réellement, Molly. Il n’a pas oublié la façon dont Fitz s’est coupé du monde il y a des années et ne veut pas que son ami répète ce genre de choix. Il pense que, si il reste, Fitz ne vivra pas avec Molly. Il ne tolère pas ça, il dit clairement qu’il se sentirait coupable (« tu m’as donné une rallonge de vie ; voudrais-tu que je m’en serve pour te dépouiller de la tienne ? (…) Je puis t’aimer, Fitz, mais jamais je n’accepterai que cet amour te détruise »). Le Fou a raison de se sacrifier car Fitz ne le ferait pas. Fitz dit clairement qu’il est prêt à tout laisser derrière lui (Molly, Devoir, son royaume) pour rester avec le Fou (« et si je te suivais ? Si je renonçais à mon autre vie pour partir avec toi ? »)

Arrive alors la séparation. C’est un Fou qui vient d’affronter la mort qui doit faire un des choix les plus difficiles de sa vie. Il doit renoncer à son plus vieil ami, à son premier ami trouvé à Castelcerf. Il doit renoncer à un homme qu’il a aimé, un homme qui l’a aidé à façonner le monde. Le Fou renonce à Fitz : « je dois te rendre la liberté, murmura-t-il d’une voix brisée, tant que j’en ai encore la force ». Fitz, lui, ne reconnait presque pas la personne en face de lui. Il faut dire qu’il voit le Fou comme tous les autres le voient : non perceptible par le Vif et sans le lien d’Art qui les unissait. Un étranger se dresse devant Fitz (« un homme à la peau brune et aux yeux noisette me regardait d’un air compatissant »).


Malgré ce geste, Fitz ne renonce pas au Fou. Il continue à espérer qu’il reste dans sa vie. Il continue à utiliser le pilier d’Art entre Aslevjal et Castelcerf pour aller voir son ami. Même les paroles de Prilkop (« A lui, vous donne votre temps, votre parler, votre amitié : qui rejoint pas votre temps alors ? Hmmm ? Un grand changement, peut-être, je pense. Lâchez, changeur de fou, votre temps ensemble terminé est. Achevez ») ne suffisent pas à le convaincre. 

Fitz rate ses adieux. Il se perd dans un pilier d’Art n’est pas présent quand le Fou revient à Castelcerf. Le Fou est inquiet de ne pas le trouver, il laisse une statue pleine de souvenirs à Umbre afin qu’il la remette à Fitz. La statue est composée de moments entre Fitz, le Fou et Oeil-de-Nuit. Comme si les trois étaient destinés à être réunis…

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