Oeil-de-Nuit est le réel Roi. Le Fou versus la Femme Pâle : le combat du siècle. Oh Malta, Malta, Malta. Gloire au dragon fou Glasfeu. Les Anciens ne sont que des gosses. Keffria, tu remontes dans notre estime. Il était une fois Clerres.

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Petit-Furet dans la légende

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samedi 11 novembre 2023

La vengeance

Une fois Abeille enlevée, qui aurait pu prédire la suite ? Qui aurait pu prédire que cela réunirait une coalition composée de dragons, de gens des Six-Duchés, de pirates, de Marchands ? Qui aurait pu prédire que la vengeance les réunirait ? Les uns veulent se venger d’un tort qui leur a été infligé, les autres demandent le paiement d’une longue dette et d’un tort causé il y a bien des années.


La vengeance change les gens. Elle peut transformer un paisible garçon d’écuries en une boule de colère. C’est le cas de Persévérance qui a été lourdement touché par les actions des dirigeants de Clerres. Il était là quand les troupes ennemies ont attaqué Flétribois, il y a perdu sa meilleure amie Abeille. Pour ne rien arranger, sa mère a été en partie forgisée et les souvenirs de son fils lui ont été enlevés ; Persévérance a été un inconnu, un étranger pour sa mère et cela l’a profondément marqué et changé. Des membres de sa famille sont morts. Dès lors, il n’est pas étonnant de l’entendre dire que « moi aussi, je veux ma vengeance, pour mon père et pour mon grand-père (…) je n’ai pas oublié comment Allègre est tombé ». Fitz s’interroge : « qu’avais-je fait de mon jeune et honnête garçon d’écurie, naguère si gentil ? ». C’est une interrogation bien naïve, Persévérance aurait-il pu fermer les yeux et oublier les atrocités vécues ? Pouvait-il passer à côté de l’occasion d’infliger du mal à ceux qui lui en ont fait ?


La vengeance est une arme à double tranchant. Elle doit être manipulée avec précautions. Quand ils s’en vont vers Clerres, Fitz et le Fou n’ont pas de réel plan, sauf leur volonté de punir ceux qui ont enlevé Abeille. Ils ne savent pas trop comment s’y prendre. 

En chemin, ils croisent les Anciens, puis Tintaglia la dragonne. Leur rencontre avec cette dernière va tout faire basculer. Elle va réveiller des forces qui étaient endormies ou cachées, elle va réveiller des traumatismes du passé. En fouillant dans leurs souvenirs, les dragons vont se rappeler des choses et trouver là une opportunité de réclamer leur dû. Le Fou résume parfaitement la situation : « pour ce qui est des dragons, nous n’y pouvons rien : leur soif de vengeance est encore plus ancienne que la mienne ». Les humains n’ont donc aucun contrôle sur les dragons. Les imposantes créatures font ce qu’elles veulent : elles désirent détruire Clerres et elles le font consciencieusement. 

Il faut dire que les dragons ont de quoi être en colère. Des années avant, les Quatre ont intrigué pour faire disparaître les Anciens et les dragons. Puis, ils ont tout fait pour stopper les machinations du Fou qui cherchait à faire revenir les dragons. Enfin, ils ont contribué à créer des abominations et à tuer les dragons dès leur naissance. Tintaglia exprime clairement la raison de sa colère : « vengeance pour mes oeufs volés et détruits, pour nos serpents emprisonnés et torturés ». Dès lors, comment stopper des dragons en colère ? C’est impossible ; Le Fou que « c’est la vengeance des dragons. Nul ne peut l’arrêter ».


Pour ne rien arranger, les dragons veulent redorer leur image et leur légitimité. Ils veulent rappeler qu’ils sont les seigneurs des terres, de la mer et du ciel. Ils veulent à nouveau être craints et respectés par les humains. On l’avait déjà vu quand ils ont attaqué Chalcède : leurs actions ont aussi un but politique, il s’agit d’envoyer un signal, de détruire ceux qui les ont fait souffrir. Leur colère est encore plus forte lorsqu’ils apprennent que les torts faits n’ont jamais été vengés. Un dragon en avait la possibilité, il n’a rien fait (« Glasfeu est un pleutre. Un dragon qui préfère s’ensevelir dans la glace, plutôt que de se venger, par crainte pour sa propre sécurité n’est pas un dragon »). En fait, c’est presque comme si la vengeance faisait partie de la nature profonde des dragons.


Du côté des gens de Clerres, ils savent qu’ils vont souffrir. Ils le savent car tous les rêves l’indiquent. Ils le savent également parce que un dragon ne peut laisser un tel affront impuni. C’est pour cela qu’ils ont tout faire pour que les dragons ne reviennent pas. C’est ce que dit Capra : « tu as réveillé le loup endormi, et excité les dragons en lui jusqu’à la fureur. Tu nous as placés sur une voie obscure par ta vanité, ta colère et ton appétit égoïste de vengeance ». La dernière remarque est intéressante. Dwalia n’a pas pourchassé le Fou sans raison : elle le tient pour responsable de la mort de la Femme Pâle. Elle a perdu l’amour de sa vie, elle veut punir les coupables de sa mort. Le désir de vengeance est donc un mauvais conseiller : il a entraîné les gens de Clerres sur leur propre destruction. Capra pointe cela du doigt. Sa sagesse lui permet de savoir que la mission accordée à Dwalia était une mauvaise idée (« comme si la vengeance avait jamais donné autre chose que des fruits amers »).


Pour d’autres, la vengeance est un lot de consolation, c’est ce qui est là quand il n’y a plus rien d’autre. Ce point de vue est partagé et porté par Fitz : « elle est morte, Fou ; elle a disparu dans le courant d’Art. Tout ce qui nous reste, c’est la vengeance ». A ce moment du récit, Fitz a perdu tout espoir de retrouver sa fille vivante. Ses derniers espoirs se sont envolés quand il a appris qu’elle était passée dans un pilier d’Art sans avoir jamais reçu de formation. Dès lors, la vengeance devient une nécessité. Elle ronge Fitz, elle l’empêche de profiter de ce que la vie lui offre. Il n’a que ça en tête : il ne peut même pas apprécier la compagnie de son autre fille ou de son petit-enfant à venir (« je regrette, Ortie, mais je dois m’en aller ; je dois venger Abeille ; je dois trouver ceux qui lui envoyé les tueurs et je dois la venger »).

Ce que Fitz dit assez calmement Elliania l’exprime avec colère : « la vengeance ! Une vengeance sanglante et méritée contre ceux qui ont volé une fille de notre sang ». La passion empare Elliania et lui enlève toute lucidité. D’ailleurs, elle aussi a déjà souffert des complots des Quatre. Son enthousiasme surprend Fitz (« ma reine était intervenue avec une véhémence qui me laissa pantois »). Sans doute n’a-t-il jamais réellement appréhendé la peine que l’enlèvement de sa soeur et de sa mère avait causé à Elliania. Elliania voit peut-être là un exutoire à toute sa colère accumulée.


Le Fou y trouve une réponse à son désespoir. Abeille n’est pas simplement un Catalyseur, elle est le Fils inattendu, elle est celle qui doit permettre de briser la saleté qu’est Clerres. Elle est surtout, d’une certaine façon, son héritière. C’est pour cela que sa colère contre les hésitations du Fitz est presque pathétique. Il ne comprend pas pourquoi Fitz hésite tant à partir, à se lancer. Sa colère éclate : « ce n’était pas seulement ton enfant ! C’était l’espoir du monde. Et elle était de moi, et je ne l’ai jamais touchée qu’un bref instant ! Pourquoi imagines-tu que j’hésiterais à risquer ma vie si j’avais l’occasion de la venger ». Une nouvelle fois, le Fou est prêt à donner sa vie pour atteindre son but. Il n’y a là rien de noble, il n’y a pas l’accomplissement d’une prophétie ; c’est simplement l’envie de faire souffrir ceux qui l’ont fait souffrir. C’est un acte gratuit quoi doit permettre de soulager sa conscience.


Enfin, Abeille, comme Fitz lorsqu’il s’agissait des Pirates Rouges, met en avant le côté cyclique de la vengeance. Elle ne fait que se répéter dans le temps : on venge un mal qui a été commis et les victimes de cette vengeance accumulent du ressentiment puis agissent à leur tour. Selon Abeille, « la vengeance ne tient compte ni de l’innocence ni du droit ; c’est la chaîne qui lie entre eux deux évènements horribles, qui décrète qu’un acte épouvantable doit en engendrer un autre (…) les survivants ce carnage haïraient ensuite les dragons et les gens des Six-Duchés ». La vengeance appelle la vengeance.

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