Libérée, Tintaglia se révèle tout de suite comme une force importante de ce qui se passe à Terrilville. La ville est en effet aux abois : les rues ne sont plus certaines et la ville est menacée par les pirates de Chalcède. Si elle offre une autre vue, plus distante, des événements en cours, elle noue quand même des relations fortes avec quelques humains (dont Malta) et a ses propres buts : aider les serpents à se transformer en dragon.
Pour arriver à ses fins, Tintaglia a besoin des hommes. Le monde a beaucoup changé depuis sa dernière apparition. Les rives ont changé de place, les terres ont bougé. Elle compte sur une caractéristique des humains ; elle le dit clairement à l’assemblée de Marchands de Terrilville avec qui elle négocie. Elle leur affirme, avec toute sa hauteur de dragon, que « les humains ont toujours été des bâtisseurs et des terrassiers. Il est dans votre caractère de façonner la nature à vos propres fins ». On peut sentir là une pointe de mépris, de dédain : les humains n’ont pas de buts propres, ils ne sont pas la puissance dominante. Ils sont là pour servir, servir les dragons. Pour autant, Tintaglia n’est ni naïve ni stupide. Elle sait que les humains sont nombreux et déterminés, elle sait qu’ils peuvent faire du mal aux dragons. Dans les Cités des Anciens, ils pourchassent Glasfeu et Tintaglia pour créer des élixirs de santé. Désirant venger ce que Glasfeu et elles ont subi, Tintaglia rassemble les dragons de Kelsingra et leur explique ce que sont les humains. Elle veut en effet que les nouveaux dragons soient aux aguets, tous les humains ne sont pas comme les gardiens qui les ont accompagnés. Une bonne partie de l’humanité est insignifiante et grossière, incapable de comprendre ou percevoir ce qu’est un dragon (« j’ai beaucoup voyagé et eu beaucoup à faire avec les hommes ; certains ne nous comprennent pas quand nous leur parlons, et ils nous prennent pour des bêtes brutes semblables à des lions ou des loups – ou les vaches qui attendent d’être menées à l’abattoir »). Une autre partie est vindicative et nécessite d’être mise au pas : on ne peut tolérer qu’il soit fait de mal à un dragon (c’est d’ailleurs ce qu’elle reprochera plus tard à un Glasfeu qui gardera longtemps sous silence les machinations des gens de Clerres). Elle leur fait comprendre que les humains peuvent nuire aux dragons en s’en prenant à leurs nids. Il faut agir : « vous pouvez rester ici à vous cacher ; mais plus vous attendrez avant de leur rappeler quelle est leur place dans le monde, plus ils opposeront de résistance quand vous constaterez que vous devez vous défendre ».
Tintaglia place les dragons au-dessus des humains. Ils son bien plus puissants, bien plus intelligents. Dans les Aventuriers de la Mer, Reyn et elle passent un long moment ensemble à rechercher Malta. Elle lui explique sa conception des choses, notamment que « les hommes continueront à se quereller entre eux pour savoir qui doit récolter et où, quelle vache appartient à qui. Ainsi va le monde des hommes. Les dragons sont plus sages ». Là où les humains s’enferment dans des cases, des frontières, les dragons considèrent que tout est à eux : le ciel, la terre, les mers.
Reyn est outré par ce qu’il entend. Il tempête, tente de défendre les humains. Il s’indigne. Cela ne fait que questionner Tintaglia sans aucune optique de remise en cause de son comportement : « Quelle tempête d’imagination ! Comme vous les humains, vous pouvez en soulever rien qu’en imagination ! Est-ce que parce que vos vies sont si brèves ? Vous vous racontez de folles histoires sur ce qui pourrait arriver demain et vous éprouvez toutes les émotions en songeant à des événements qui n’arriveront jamais ». On arrive là à une forte différence entre les dragons et les humains : les dragons vivent bien plus longtemps et pensent que l’homme n’a pas d’importance. Tout ce qu’il entreprend sera effacé. C’est pour cela que Tintaglia remet en place Hiémain. Le dernier des enfants Vestrit ne tolérait pas que la dragonne lui parle avec mépris et dédain, qu’elle désire dicter aux hommes quoi faire. Hiémain se révolte et récolte des paroles dures : « je suis un dragon, humain. Dans l’univers, vos rêves, vos projets, vos ambitions ne comptent pour presque rien. Vous ne vivez pas assez longtemps pour avoir de l’importance. Sauf quand vous venez eu aide aux dragons, bien sûr ». Cela ne peut être que démoralisant d’entendre ça. Une créature qui pourrait vous manger en une bouchée ne vous considère que comme un outil et il n’y a rien à faire pour changer ça. Ce rapport au temps, Tintaglia en fera également la remarque à une Malta qui s’offusque de ne pas la voir plus souvent (« n’oublie pas que les dragons ne comptent le temps selon les infimes gouttelettes de jours qui paraissent si importants aux humains »).
Tintaglia a donc peu de considération pour les humains. Elle en a un peu plus pour les Anciens, ces humains changés à force de fréquenter les dragons (« les hommes tels qu’ils étaient à présent ne l’attiraient guère. Il y avait eu une époque, lui murmuraient les ancêtres au fond de son cerveau, où l’essence des dragons s’était mêlée à la nature des hommes, et les Anciens avaient procédé de ce mélange fortuit »). Ainsi, Tintaglia peut avoir une certaine forme de respect pour quelques humains. Elle en a eu, pour exemple, pour Ortie qui lui a tenu tête et l’a forcée à tenir sa parole. Elle en a pour Fitz, pas parce que c’est un humain, mais parce qu’un dragon l’a jugé digne et l’a marqué (« elle amena sa tête près de moi et me huma doucement. Je ne reconnais pas le dragon qui t’a marqué ; plus tard, peut-être il me rendra des comptes pour ta forte tête »). Elle respecte également Malta qui l’a délivrée et qui comme elle est une femme (« je vois que tu as été bien récompensée pour la part que tu as prise à ma délivrance, jeune reine. Une crête écarlate. Tu en tireras beaucoup de plaisir (…) Et tu jouiras d’une longue vie durant laquelle tu t’en délecteras »).
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