On ne peut pas dire que les personnages du Royaume des Anciens mènent une vie paisible. Tous traversent des moments difficiles, certains traumatisants. Molly, un personnage secondaire de l’intrigue, évolue à la marge des événements. Elle a également son lot de peines, notamment à cause de sa relation avec Fitz. Mais, même ses proches (son père, sa fille Ortie) peuvent montrer bien peu de considération pour elle. Pire, elle est presque parfois comme l’otage du destin, l’otage de la volonté d’autres personnages, une pauvre femme utilisée en fonction des besoins.
La première fois que l’on rencontre Molly, c’est lorsque Fitz se met à explorer les environs de Castelcerf. Le jeune garçon plonge dans un univers totalement inconnu et il s’y fait des amis de son âge. Ce sont des moments de détente qui sont vite mis de côté lorsque le père de Molly apparaît. L’homme est alcoolique, se repose entièrement sur Molly pour gérer la boutique de bougies. En outre, il l’insulte, il la frappe et Molly prend sa défense. Elle dit que c’est la faute de l’alcool, que sinon c’est une bonne personne (« Non ! Il me tape quelques fois quand je suis méchante, mais il ne me tuerait jamais ! Et quand il n’a pas bu et qu’il n’est pas malade, il en pleure et il me supplie de ne pas être trop méchante pour ne pas le mettre en colère »). Autrement dit, les rôles sont inversés. Elle est clairement sous l’emprise du seul parent qui lui reste et lui trouve tout un tas d’excuses, de faux prétextes pour justifier son comportement. Molly se place donc en presque coupable : si son père boit et la frappe, c’est parce qu’elle a fait quelque chose de mal. Ce comportement peut peut-être s’expliquer par ce qu’elle a vécu depuis son enfance ; elle a vécu et grandi dans un environnement pesant, jugé par les autres à cause du comportement de son père. A Bourg-de-Castelcerf, l’alcoolisme de son père est bien connu. Lors d’une foire, la jeune Molly décide de voir une voyante afin d’en savoir plus sur son avenir. Surprise par une commerçante, elle est la risée de la foule. Ce sont des moqueries, des commentaires, des rires gratuits : « Brinna, la poissonnière, a éclaté de rire et elle a dit que ce n’était pas la peine que je paye pour ça, parce que tout le monde savait d’avance quel serait mon avenir : j’étais la fille d’un ivrogne, j’épouserais un ivrogne et j’aurais beaucoup de petits ivrognes ». Molly est rabaissée pour ce qu’elle n’est pas… et c’est de là que vient sa résolution de ne pas fréquenter les gens qui boivent.
Après avoir souffert à cause de son père, Molly souffre à cause de Fitz. Après l’attaque de Vasebaie par les Pirates Rouges, elle cherche refuge au château de Castelcerf. Personne ne sait de qui elle parle puisque Fitz lui a donné une fausse identité : elle est trompée et humiliée. Patience finit par la prendre à son service. Molly rencontre Fitz, le confronte ; et après une longue période de séduction ils finissent par se mettre ensemble. Leur relation ne passe pas inaperçue ; Royal s’en rend compte et tente d’amadouer Molly. Il est mielleux, il se moque d’elle en lui disant que leur amour est impossible car elle n’est qu’une femme du peuple. Ce ne sont pas nécessairement des paroles méchantes, c’est en tout cas sournois. Toutefois, au fur et à mesure que Royal intrigue, il est de plus en plus menaçant, agressif. La situation de Molly au château devient compliquée. Alors qu’elle est sortie faire des courses, elle est agressée, insultée : « Et puis ils ont… que j’allais finir pendue.. si je ne faisais pas attention, que faire les commissions d’un traître, c’était un traître soi-même ». Le seul tort de Molly est d’être amoureuse de Fitz ! Elle n’a aucune idée de la lutte de pouvoir qui a lieu dans les hautes sphères de la royauté, elle est une victime collatérale. C’est d’autant plus frustrant pour elle que Fitz refuse de lui expliquer ce qui se passe.
Mais, la peine de Molly ne s’arrête pas là. Un autre malheur lui tombe dessus à cause de ce qu’est Fitz : il est un membre de la famille royale, bâtard certes. Il n’est donc pas libre de choisir qui il veut épouser. Subtil veut que Fitz épouse Célérité, la fille d’un noble important des Six-Duchés. Sans vouloir faire de mal, Fitz explique à Molly la situation. Il ne se rend pas compte à quel point cela fait mal à Molly, de savoir qu’il est promis à une autre. Pourtant, Patience et Umbre ont tenté de lui expliquer qu’il n’était pas libre de son choix. Il persiste à dire à Molly qu’il va tout arranger. Molly, elle, sait que ce n’est pas si simple. Que Fitz ne peut refuser Célérité sans créer un outrage. C’est une pathétique Molly qui va trouver Fitz et tenter de le raisonner (« Fitz, c’est trop dur. Chaque fois que je crois m’être résignée, je me surprends à espérer encore. Mais nous n’avons rien à attendre de l’avenir, n’est ce pas ? (…) J’ai vu Célérité. Elle est très belle »).
Molly quitte Fitz. Elle n’en peut plus de ses mensonges, de ses demi-vérités. Enceinte, elle s’en va. Malgré tout, à l’annonce de la mort de Fitz, elle viendra poser une bougie pour sa tombe pour lui rendre hommage. Elle a bravé le froid et les vents pour faire ça. Puis, elle finira par accoucher d’Ortie (la fille de Fitz) et avoir une relation avec Burrich. Les deux fonderont une famille, auront des enfants. Mais, le destin rattrape Molly. Loin, Fitz est à nouveau impliqué dans les manigances des Loinvoyant ; cela a un impact sur la vie de Molly car Ortie et Fitz sont liés par l’Art. A cause de ça, Burrich finira par comprendre que Fitz est vivant. Cela jettera un froid sur le couple Burrich/Molly. Sans raison aux yeux de Molly, Burrich se montera froid et distant, puis disparaîtra. Sans donner d’explications, il s’en va à la rescousse de Fitz. Burrich n’y trouvera que la mort. Agonisant, il demandera à Fitz d’aller retrouver Molly ! Les deux traitent Molly comme un vulgaire bout de viande, ils se la partagent sans même lui demander son avis (« va à la maison. Occupe toi d’eux. De Molly »).
Dans la trilogie du Fou et de l’Assassin, Fitz et Molly vivent une vie paisible. Leur couple suit sa route, ils sont amoureux et passionnées, chacun vaquant à ses passions. Un soir, Molly dit à Fitz qu’elle est enceinte. Fitz n’en croit pas ses oreilles, Molly est trop vieille, son corps ne montre aucun changement. Il change, sans nécessairement s’en rendre compte, son comportement vis-à-vis d’elle (« la démence de Molly était d’autant plus difficile à supporter qu’elle restait parfaitement pragmatique et raisonnable dans les autres domaines de la vie »). Bien entendu, Molly s’en rend compte. Elle sait ce que pense Fitz. Elle ne dit rien, c’est une douleur qu’elle intériorise. La vie de Molly à Flétribois devient compliquée. Sand doute enhardies par l’attitude de Fitz, les servantes de Molly et du château commencent à critiquer Molly, elles parlent dans son dos et parfois publiquement. Ce sont de petites allusions dénigrantes qui participent à rabaisser Molly. Et Fitz ne fait rien. C’est Ortie qui lui rappellera que Fitz a des devoirs envers sa femme. Elle lui dit que « peu importe que maman ait un grain ! Il faut les obliger à la traiter avec respect. Tu ne dois pas tolérer qu’elles se moquent d’elle ! C’est ma mère et ton épouse, dame Molly ! » Ortie et Fitz refusent donc de croire à la grossesse de Molly. Mal leur en prend car elle finit par mettre au monde une fille, une petite Abeille. On pourrait penser que c’est un moment de joie. Il ne l’est pas totalement. Non seulement Fitz refuse d’annoncer à tout le monde qu’Abeille est née mais en plus il traite et regarde Abeille bizarrement (« tu as compris à quel point elle est différente. Qu’elle est toute petite »). Ces commentaires difficiles à entendre de la part de Fitz sortent également de la bouche des servantes et sont répétées par Fitz à Molly. Molly ne peut être qu’en colère, outrée (« qu’elles s’en aillent toutes, les femmes de chambre et la cuisinière. Renvoie-les »).
Molly a vécu un bon nombre de moments difficiles qui ont entouré de longs moments de calme (son couple avec Burrich puis son couple avez Fitz). Elle n’est en rien responsable d’un bon nombre. Elle subit simplement le fait d’être proche de Fitz ou son insensibilité.
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