Dans
la saga du Royaume des Anciens, des créatures font leur retour en
force, les dragons. Nous en avons un premier aperçu quand
Vérité décide de forger un dragon de pierre pour affronter les
terribles Pirates Rouges. Un certain nombre d'indices lors de sa
quête nous montre qu'ils ont bel et bien existé (des rêves d'Art
de Fitz, des paroles du Fou, des textes anciens). La confirmation de
leur existence viendra des Aventuriers de la Mer quand Tintaglia
émergera d'un cocon puis Glasfeu des glaces d'Alsevjal. Dans les
romans des Cités des Anciens, nous suivons le retour des dragons
vers Kelsingra, une cité mythique des Anciens.
Ceux
qu'on appelle les gardiens sont forcément intéressés par ce qui a
trait aux dragons. Bien qu'ils ne soient que des pauvres gens, des
esclaves, des déformés, des sans ressources, les rumeurs du vaste
monde viennent jusqu'à eux. C'est par exemple Thymara qui est au
courant de la prouesse de Devoir (« la grande créature noire
avait émergé de son long sommeil, pris Tintaglia comme compagne ;
et ils s'étaient envolés ensemble pour chasser, manger et
s'accoupler »).
Pourquoi
Glasfeu s'est-il volontairement enfermé dans les glaces ?
Était-ce un suicide ? C'est visiblement un enchaînement :
des catastrophes naturelles, une attaque coordonnée des Blancs et de
leurs Serviteurs et une attaque contre son mental. On a un aperçu de
ce qui leur est arrivé dans l'Homme noir ; on y lit que « les
dragons et la plupart de leurs serviteurs, les Anciens, avaient péri
lorsque la terre avait tremblé, s'était fendue, et que les
montagnes avaient vomi de la fumée, du feu et des vents
empoisonnés ». Notons au passage que grâce à leur science,
les Blancs savaient ce qui pouvait arriver et n'ont rien fait pour
aider les dragons. Mais, les Blancs et les dragons étaient engagés
dans une féroce compétition pour contrôler le monde...
Glasfeu,
ne voyant que serpents et dragons morts, subissant le harcèlement de
ses ennemis, ne pense avoir qu'un seul recours : en finir avec
la vie. On a presque un peu de pitié pour le vieux dragon. Quand il
partage ses pensées, involontairement, avec Fitz, on se rend compte
à quel point ses derniers instants furent pathétiques :
« Glasfeu avait glissé dans un état suspendu, mais sans
parvenir à se défaire de son organisme (…) Il aspirait à la
mort, il rêvait de la mort. »
Devoir
le libère donc de la glace et les choses ne furent pas aisées. Il
fallait bien entendu lutter contre les manigances de la Femme Pâle,
il fallait aussi prendre en compte les superstitions locales. Quand
Elliania lance le défi au Prince Loinvoyant, l'adolescent ne sait
pas que sa quête n'est pas bien vue dans les Îles Outriliennes. Le
clan de l'Ours et du Hibou sont très vindicatifs (« nul homme
ne doit tuer Glasfeu, narcheska, pas même pour l'amour de vous »).
Le dragon emprisonné dans la glace est devenu un lieu de
contemplation, il est comme une figure divine : « voilà
la bonne fortune que nous obtenons en honorant Glasfeu.
Déshonorez-le, doutez de lui, et je préfère ne pas imaginer le
malheur qui s'abattra sur vos maisons ».
Fitz
et le Fou, aidés par Burrich, Umbre, Lourd et d'autres, parviennent
à contrecarrer les plans de la Femme Pâle, Illistore. Cette
dernière ne se contente pas de regarder la lente agonie du dragon,
elle veut sa mort. On l'apprend quand Prilkop (l'Homme noir) raconte
son histoire à Abeille dans Le destin de l'assassin. Il lui dit
qu' « elle cherche le dragon, et je suis stupide : je
montre le chemin. Alors elle trahit, elle essaie tuer Glasfeu »
ou encore « son destin était de s'employer à ce que les
dragons ne reviennent jamais dans notre monde ». Prilkop est
plus que choqué par le choix de Glasfeu.
Malheureusement
pour les Blancs, Devoir est parvenu à relever le défi. Umbre
informe Fitz que « le dragon a déposé tout seul sa propre
tête sur la pierre d'âtre ». Ortie nous en apprend un peu
plus et son éclaircissement illustre bien le caractère hautain et
peu reconnaissant de ceux de son espèce (« Glasfeu était trop
mesquin pour reconnaître sa dette »).
Dans
le puits d'Argent, les gardiens font connaissance avec Glasfeu et
tout ne se passe pas très bien. Glasfeu et Tintaglia viennent d'être
empoisonnés par du bétail contaminé donné par les Chalcédiens.
Ils viennent donc à Kelsingra pour se panser et avoir de l'argent.
Il fait une entrée fracassante : « les humains
m'appellent Glasfeu. Il en reste au moins ici qui n'a pas oublié les
anciennes formules de politesse de votre espèce ». On voit
bien là l'habituel sentiment de supériorité qu'ont les dragons
envers les humains.
Les
gardiens le craignent, les autres dragons sont circonspects. Tatou
pense qu' « il est fou de douleur (…) il est
imprévisible », Sintara conseille son gardien (« reste
loin de lui, je crois qu'il est fou »). Et un peu plus loin, on
lit que « tous les gardiens s'étaient assemblés pour
voir le plus vieux dragon du monde, mais à distance prudente ».
Sa
relation avec Tintaglia est plus compliquée.
Quand
ils étaient le dernier de leurs espèces, ils n'avaient pas eu
d'autre choix que s'accoupler. Mais avec le retour des dragons, tout
a changé. Tintaglia a décidé de s'occuper d'eux. Bien qu'elle
accepte la nécessité de se venger de Chalcède, elle lui en veut
quand même (« il n'appelait pas à la vengeance quand c'est
moi qui étais mourante »). Les choses changent quand la meute
de dragons s'en va vers Chalcède. Reyn est un observateur bien
placé pour analyser les dynamiques des dragons. Il note que leur
formation de vol répond à une logique de domination, de pouvoir et
qu'être bien placé près de la Reine Tintaglia est important. Les
mâles se disputent pour elle. Reyn « se rendait compte que le
mâle noir et Kalo se battaient sans cesse pour occuper un point
derrière Tintaglia ».
A
la fin des Cités des Anciens, c'est Kalo qui domine Glasfeu (« après
leur dernier affrontement, Glasfeu a dû se déclarer vaincu et il
est sans doute allé tuer une grosse proie, la dévorer et cuver son
festin »).
Nous
retrouvons Glasfeu dans la dernière trilogie. Tintaglia et les
autres dragons finissent par apprendre la terrible vérité, que
Glasfeu a fui et failli à ses responsabilités. C'est une époque de
vengeance (pour Fitz et les dragons) et chacun a besoin
d'informations. Glasfeu, le dragon qui a traversé les époques, en
a. Malheureusement, il les cache et se cache. Gringalette s'exprime à
travers Kanaï pour transmettre l'avis général des dragons :
« Glasfeu ? Rien, c'est une brute qui ne sert à rien, ni
aux dragons ni aux Anciens. » La colère de Tintaglia éclate
quand elle apprend la façon dont le vieux dragon noir a vécu ses
derniers jours avant de s'enfouir dans la glace. Il fait honte, il
n'est pas digne. Ses propos sont clairs, « Glasfeu est un
pleutre. Un dragon qui préfère s'ensevelir dans la glace plutôt
que de se venger, par crainte pour sa propre sécurité, n'est pas un
dragon ! »
Dorénavant,
puisqu'elle a pris le dessus sur Glasfeu, Tintaglia sait que « les
Blancs et les Serviteurs ont fait grand tort aux Dragons. Ils ont cru
pouvoir commettre leurs injustices sans avoir à payer les
conséquences ! Cette honte est toute entière due à la lâcheté
de Glasfeu ! »
Mais,
tout n'est pas négatif. Il serait injuste de le limiter à un vieux
dragon suicidaire. Il est aussi une créature puissante, intrépide.
Il
est celui qui organise l'assaut contre Chalcède (« Glasfeu
avait l'expérience du combat contre les humains (…) le vieux
dragon noir tenait à prendre Chalcède par surprise »), il est
le dernier à s'en aller et semer la mort (« le palais du duc
était tombé sous les assauts orchestrés par Glasfeu, implacable et
sans pitié .»)
Glasfeu
sera aussi de la partie quand il faudra détruire Clerres. Il fait
une remarquable entrée (« je suis de retour, et je vous
apporte la mort ! »). Lui aussi ouvre une fenêtre sur les
événements du passé et renseigne le lecteur sur ce qui s'est passé
des années avant : « te rappelles-tu de moi Clerres ?
Te rappelles-tu comment tu nous as fait mourir avec un festin de
bétail empoisonné (…) Comment alors que je me battais contre
vous, vous m'avez rempli l'esprit d'une malédiction ? (…) A
l'époque, je me suis enfui. Vous m'avez couvert de honte ! Vous
avez fait de moi le dernier dragon au monde. » Et bien entendu,
il tue, détruit des bâtiments.
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